À présent, Harry et Ron n’étaient plus les seuls à regarder et écouter discrètement derrière leurs livres. La plupart des élèves, fascinés, observaient à la dérobée le professeur Trelawney qui s’était redressée de toute sa taille, ses colliers et ses bracelets de perles s’entrechoquant bruyamment.
– Le troisième œil ne voit pas sur commande ! déclara-t-elle, scandalisée.
– Je comprends, dit le professeur Ombrage à mi-voix en prenant encore quelques notes.
– Je… mais… mais…
Elle fit une tentative pour reprendre son habituel ton éthéré, mais ses accents mystiques étaient gâchés par la colère qui faisait trembler sa voix.
– Je… je crois que je
Le professeur Trelawney pointa un index tremblant sur le professeur Ombrage qui continuait de lui sourire aimablement, les sourcils levés.
– J’ai bien peur… j’ai bien peur que vous ne soyez en grand danger ! acheva le professeur Trelawney d’un ton dramatique.
Il y eut un silence. Le professeur Ombrage continuait de hausser les sourcils.
– Bien, dit-elle à voix basse en écrivant encore sur son bloc-notes, si vous ne pouvez pas faire mieux…
Elle se détourna, laissant le professeur Trelawney plantée sur place, la respiration haletante. Harry croisa le regard de Ron et vit tout de suite qu’il pensait la même chose que lui : tous deux savaient que le professeur Trelawney n’était qu’une vieille farceuse mais ils éprouvaient par ailleurs une telle aversion pour Ombrage qu’ils se sentaient entièrement de son côté – jusqu’au moment où elle se précipita sur eux, quelques secondes plus tard.
– Alors ? dit-elle avec une brusquerie inhabituelle, en claquant des doigts sous le nez de Harry. Montrez-moi un peu le journal de vos rêves, je vous prie.
Lorsqu’elle eut donné de toute la force de sa voix son interprétation personnelle des rêves de Harry (dont chacun, même celui dans lequel il mangeait du porridge, annonçait apparemment une mort atroce et prématurée), il éprouva beaucoup moins de sympathie à son égard. Pendant tout ce temps, le professeur Ombrage était restée tout près et continuait d’écrire sur son bloc-notes. Quand la cloche retentit, elle fut la première à descendre l’échelle d’argent et, dix minutes plus tard, elle les attendait au cours de défense contre les forces du Mal.
À leur entrée dans la classe, elle chantonnait et souriait toute seule. Harry et Ron racontèrent à Hermione, qui revenait du cours d’arithmancie, ce qui s’était passé en divination. Entre-temps, tout le monde avait sorti son livre sur la
– Rangez vos baguettes, ordonna-t-elle avec un sourire.
Les quelques élèves suffisamment optimistes pour les avoir sorties durent les remettre tristement dans leur sac.
– Puisque nous avons fini de lire le premier chapitre au cours précédent, je voudrais maintenant que vous ouvriez vos livres à la page 19 et que vous commenciez la lecture du chapitre deux : « Les théories de défense les plus communes et leurs dérivés ». Bien entendu, il sera inutile de bavarder.
Arborant toujours son large sourire satisfait, elle s’assit à son bureau. La classe tout entière laissa échapper un long soupir parfaitement audible et se reporta d’un même mouvement à la page 19. Harry se demanda d’un air d’ennui si le livre contenait suffisamment de chapitres pour qu’ils puissent passer tous les cours de l’année à le lire. Il s’apprêtait à consulter la table des matières lorsqu’il vit qu’Hermione avait de nouveau levé la main.
Le professeur Ombrage l’avait vue, elle aussi, mais apparemment, elle avait mis au point une nouvelle stratégie pour faire face à ce genre d’éventualité. Au lieu de regarder ailleurs comme si elle n’avait rien remarqué, elle se leva et s’approcha de la table d’Hermione. Puis elle se pencha vers elle et murmura, de telle sorte que le reste de la classe ne puisse l’entendre :
– Qu’y a-t-il, cette fois, Miss Granger ?
– J’ai déjà lu le chapitre deux, répondit Hermione.
– Dans ce cas, passez donc au chapitre trois.
– Celui-là aussi, je l’ai lu. En fait, j’ai lu tout le livre.
Le professeur Ombrage cligna des yeux mais elle reprit aussitôt contenance.
– Très bien, dans ce cas, vous devriez pouvoir me répéter ce qu’Eskivdur dit des contre-maléfices au chapitre quinze.
– Il dit que le terme de contre-maléfice est impropre, répondit immédiatement Hermione. Et que les gens donnent le nom de « contre-maléfice » à leurs propres maléfices pour les rendre plus acceptables.
Le professeur Ombrage haussa les sourcils et Harry vit qu’elle ne pouvait s’empêcher d’être impressionnée.
– Mais moi, je ne suis pas d’accord, poursuivit Hermione.