Il ressortit sa carte du Maraudeur et vérifia qu’il n’y avait pas de professeurs dans les couloirs du septième étage. Puis il les laissa partir par groupes de deux ou trois en suivant leurs petits points noirs avec inquiétude pour s’assurer qu’ils étaient retournés sans encombre dans leurs dortoirs : les Poufsouffle dans leur couloir du sous-sol, par lequel on accédait également aux cuisines, les Serdaigle dans une tour de l’aile ouest du château et les Gryffondor dans le passage qui menait au portrait de la grosse dame.
– C’était vraiment très, très bien, Harry, dit Hermione lorsqu’ils ne furent plus que tous les trois.
– Ça, c’est vrai, approuva Ron avec enthousiasme.
Ils sortirent de la pièce et virent la porte disparaître derrière eux en se fondant dans le mur de pierre.
– Tu as vu quand j’ai désarmé Hermione, Harry ?
– Oh, une fois seulement, répliqua Hermione, vexée. La plupart du temps, c’était moi la plus rapide.
– Une fois seulement ? Je t’ai désarmée au moins trois fois, protesta Ron.
– Ah, évidemment, si tu comptes le moment où tu t’es pris les pieds dans ta robe en tombant sur moi et en m’arrachant ma baguette des mains…
Ils se disputèrent ainsi tout au long du chemin qui les séparait de la salle commune mais Harry ne les écoutait pas. Il gardait un œil sur la carte du Maraudeur et repensait à Cho quand elle lui avait dit qu’il la troublait.
19. LE LION ET LE SERPENT
Dans les deux semaines qui suivirent, Harry eut l’impression de porter dans sa poitrine une sorte de talisman, un secret flamboyant qui l’aidait à supporter les cours d’Ombrage et lui permettait même d’afficher un sourire aimable lorsqu’il croisait le regard de ses horribles yeux globuleux. L’A.D. lui résistait sous son nez en faisant précisément ce que le ministère redoutait le plus et, chaque fois qu’il était censé lire la prose de Wilbert Eskivdur, Harry repensait plutôt aux meilleurs moments de leurs séances d’entraînement : Neville avait réussi à désarmer Hermione, Colin Crivey était enfin parvenu à maîtriser le maléfice d’Entrave après trois séances de rudes efforts, et Parvati Patil avait jeté un sortilège de Réduction si efficace que la table sur laquelle étaient posés les Scrutoscopes s’était trouvée réduite en poussière.
Harry avait vite compris qu’il était quasiment impossible de choisir un jour fixe pour leurs réunions de l’A.D. en raison des horaires qu’imposait l’entraînement de trois équipes de Quidditch, et que le mauvais temps venait souvent modifier. Mais cela ne le gênait pas. Bien au contraire, il estimait préférable que la date de leurs rendez-vous soit imprévisible. Si quelqu’un les surveillait, il lui serait impossible d’en déduire un emploi du temps régulier.
Hermione conçut bientôt une méthode très efficace pour communiquer la date et l’heure de la prochaine réunion à tous les membres de l’A.D. en cas de changement imprévu. Il aurait semblé suspect, en effet, que des élèves de différentes maisons traversent trop souvent la Grande Salle pour aller se parler. À la fin de leur quatrième séance, Hermione donna à chacun un faux Gallion. (Ron sembla très excité lorsqu’il vit le panier et fut convaincu qu’elle distribuait bel et bien des pièces d’or.)
– Vous voyez les chiffres, sur la tranche de la pièce ? dit-elle en tenant l’un des Gallions entre le pouce et l’index.
À la lumière des torches, la pièce d’or scintillait d’un bel éclat jaune vif.
– Sur les vrais Gallions, il s’agit simplement d’un numéro de série désignant le gobelin qui a frappé la monnaie. Sur ces fausses pièces, en revanche, les chiffres changent et indiquent le jour et l’heure de la prochaine réunion. Si la date est modifiée, la pièce chauffe et vous la sentirez dans votre poche. Nous aurons chacun un faux Gallion. Lorsque Harry fixera la date de la prochaine séance, il changera les chiffres de son propre Gallion et comme j’ai soumis toutes les pièces à un sortilège Protéiforme, les autres indiqueront automatiquement les mêmes chiffres.
Un silence total suivit les paroles d’Hermione. Déconcertée, elle regarda les visages levés vers elle.
– Enfin je… j’ai pensé que c’était une bonne idée, dit-elle d’une voix mal assurée. Même si Ombrage nous demande de vider nos poches, elle ne verra rien de suspect dans un simple Gallion… Mais heu… si vous ne voulez pas de mon système…
– Tu arrives à jeter un sortilège Protéiforme ? s’étonna Terry Boot.
– Oui, répondit Hermione.
– Mais c’est… c’est du niveau des A.S.P.I.C., ça, dit-il d’une voix timide.
– Oh, dit Hermione en s’efforçant d’avoir l’air modeste, oui, heu… c’est possible…
– Comment se fait-il que tu ne sois pas à Serdaigle ? demanda-t-il en regardant Hermione avec une expression proche de l’émerveillement. Avec un cerveau comme le tien ?
– Oh, il est vrai que le Choixpeau a sérieusement envisagé de m’y envoyer au moment de ma Répartition, répondit-elle d’un air radieux, mais finalement, il s’est décidé pour Gryffondor. Alors, vous êtes d’accord pour utiliser les Gallions ?