Je jette un regard plein de hautes espérances sur Vous et Votre vie. Je ne demande plus à la Providence que d’en prolonger le cours. Vous ferez le reste, et Votre Parrot sera heureux dans la contemplation de Votre règne, sûr que Vous êtes armé de force contre toutes les espèces du mal moral. Vous serez grand, Vous serez heureux comme je Vous le souhaite.
73. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire!
Mes espérances se réalisent. Vous avez déjà visité un des asiles de la misère humaine, et Votre présence aura sûrement versé dans le cœur de ces malheureux un baume salutaire qu’aucun art ne peut égaler. Vous ne pensiez sûrement qu’à voir, qu’à corriger les abus ou encourager ceux qui vouent leur vie au pénible emploi de soulager le pauvre dans ses souffrances. Vous avez sûrement fait bien davantage. Je Vous vois parcourir ces salles, aborder le lit des malheureux, interroger tout avec intérêt. Je vois sur Votre visage cette expression (que je connais si bien) de la profonde sensibilité de Votre cœur. Avez-Vous lu sur ces physionomies souffrantes l’effet que Vous faisiez? Avez-Vous senti combien Vous soulagiez leurs maux? Pourrais-je en douter? O je Vous en prie, écrivez-moi là-dessus. Peignez-moi sans détour de modestie, sans retenue le sentiment qui occupait Votre âme. Pourquoi de la modestie? Vous ne Vous peindrez jamais Vous-même aussi beau que je Vous vois. Vous avez vu dans cet hôpital toutes les espèces de maux auxquels l’humanité est sujette, maux physiques, maux intellectuels, maux moraux. Partout Vous aurez laissé des traces de Votre présence. Si Titus eût visité un seul hôpital dans cette journée qu’il déclare perdue, il n’eût pas dit le mot fameux que l’histoire nous a conservé, et qu’un Monarque devrait à jamais se reprocher1
.Je ne suis plus à Pétersbourg pour travailler aux affaires chères à Votre cœur, infiniment chères au mien. Mais Vous y êtes. Vous n’oublierez pas que toutes mes espérances, que toute ma confiance se concentre en Vous. Employez Klinger afin que les deux mois d’absence de Ministre ne soient pas perdus.
Je Vous salue de toute mon âme, mon Héros. Je Vous aime – bien plus que moi-même.
Parrot
Un mot, je Vous supplie, sur l’objet de la lettre que je Vous écrivis au moment de mon départ. Je ne puis sans cela rendre mes comptes à temps. Pardonnez-moi cette demande, comme j’espère que Vous m’avez pardonné la prière, que Vous me l’accordiez du moyen2
.74. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire,
Je suis toujours occupé de Vous. Mon cœur et ma tête rapportent à mon Bien-Aimé tout ce que je sens, tout ce que je fais. Vous songez aussi à moi, à nos entretiens. Mon cœur me le dit. Mais Vous ne m’en dites rien. Je n’ai pas encore un mot de Vous. Vous me laissez dans l’incertitude sur ce que Vous faites; et comme je ne puis me désister (il faudrait que je cessasse de Vous aimer et d’aimer la vertu) je me vois forcé de Vous rappeler des choses que sans doute Vous Vous rappelez Vous-même. Mon Alexandre! Conservez tout le mérite de nos relations. Votre cœur en est la première source.
Je connais, il est vrai, Vos nombreuses occupations. Mais Vous Vous devez à Vous-même, à Votre place, des moments de recueillement, où, détachée de tout ce qui Vous environne, Votre âme plane au-dessus de Votre Empire, s’éloigne des objets pour en saisir mieux l’ensemble. Ce sont quelques-uns de ces moments que je réclame pour moi. Vouez en quelques-uns à l’amitié. Vous savez combien ils me sont sacrés. L’idée d’en abuser me ferait horreur. O mon Alexandre! quand on aime, toutes les passions se taisent.