La Russie doit en outre, en réunissant ses principales forces contre la Prusse, augmenter par mer les troupes de Corfou, tenir une armée considérable sur les frontières turques, faire observer de Corfou les manœuvres des français en basse Italie, exiger qu’une forte escadre anglaise croise autour de l’Italie pour soutenir Corfou au besoin et lui fournir des nouvelles qui seront remises au plus tôt par Constantinople et la mer Noire à Oczakow. Il sera même nécessaire d’envoyer à Oczakow un plénipotentiaire, soit pour traiter en moins de temps avec la Turquie, soit pour ordonner la marche de l’armée dès que les nouvelles de Corfou annoncent que l’armée française se renforce dans la basse Italie au-dessus de 30 000 hommes.
Ce plan de campagne de la part de la Russie pourra seul prévenir l’attaque de ce côté-là et même la chute de l’Empire Ottoman en Europe, et est par conséquent légitime. Attaquer directement cet Empire, présentement, par pure précaution, serait une injustice qui ne serait pas même utile.
Il y a un autre plan, celui d’écraser la Prusse le plus tôt possible de toutes les forces de la Russie, pour la forcer à la paix5
. Mais d’un côté on n’écrase pas la Prusse en 6 semaines; de l’autre quand cela réussirait jusqu’à un certain point, les affaires n’en seraient pas mieux en état; la France dirigerait ses forces principales sur la Prusse, en ne se tenant que sur la défensive vis-à-vis de l’Autriche sur laquelle elle a l’avantage du terrain, les distances seraient égalisées entre la Russie et la France, et celle-ci pourrait par conséquent faire marcher autant de troupes que la Russie et, secondée des troupes prussiennes, repousser les armées russes et agir offensivement.76. G. F. Parrot à Alexandre IER
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On assure que le Bien-Aimé passera par Dorpat pour ménager les chevaux des contrées par où le Grand Duc Constantin et les gros de l’armée ont passé. Est-il bien vrai? O Providence me ménages-tu de nouveaux instants de bonheur? – Mon Alexandre! Venez par Dorpat. La plus pure, la plus tendre amitié Vous attend. Je sens qu’il est insensé de Vous faire cette prière, qui ne peut influer sur Votre résolution. Mais j’avais besoin de la faire, de Vous dire combien je me trouverais heureux pendant les instants que je pourrais Vous voir. Que ne puis-je Vous le dire comme je le sens!
Soyez heureux.
Votre Parrot
77. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Mon Bien-Aimé est de retour! O Alexandre! Que ne puis-je Vous dire ce que j’ai senti en apprenant cette nouvelle. Je suis heureux. – Non, je ne le serai que quand je Vous aurai vu, quand mon cœur aura palpité sur le Vôtre, quand je Vous aurai dit je Vous aime, avec cet accent du sentiment que rien ne peut remplacer. Il faut que je Vous voie. Je serais déjà en route si pour cela je n’avais besoin d’un mot de Votre part. Écrivez-moi ce mot, bientôt, d’abord. Combien j’ai souffert de n’être pas à Vos côtés sur le champ de bataille! – Avez-Vous quelquefois pensé à Votre Parrot? O que je serais content si Vous aviez songé à lui dans deux seuls instants, en marchant au combat et à Weimar chez Votre sœur chérie1
. Aimez-Vous toujoursVotre Parrot.
78. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire!
Me voici à Pétersbourg, le cœur plein de Vous, et du désir de voir mon Alexandre. Je n’ai point d’affaires. Je ne Vous parlerai ni de l’Université ni des écoles. Je viens uniquement pour Vous voir, pour Vous presser contre mon cœur, pour partager l’état de Votre âme, pour Vous dire que je Vous aime avec ce sentiment ineffable que rien ne peut exprimer. Je ne puis disposer que de bien peu de jours, Vous de bien peu d’instants. Faites un sacrifice à l’amitié, à
Votre Parrot
79. Alexandre IER
à G. F. Parrot[
Je suis tout aussi impatient de Vous revoir et je m’en fais un vrai plaisir; j’avais voulu Vous indiquer un moment pour venir à Pétersbourg où je me trouverai moins surchargé d’affaires, mais puisque Vous m’avez prévenu, soyez le bienvenu. Le premier instant de libre que j’aurai Vous sera destiné.
Tout à vous.
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80. Alexandre IER
à G. F. Parrot[
Enfin j’ai un moment, ou du moins l’espoir d’en avoir un, sauf quelque courrier; je Vous attends donc avec impatience à 7 h. du soir.
Tout à vous.
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81. Alexandre IER
à G. F. Parrot[