Je Vous ai attendu depuis 7 heures jusqu’a 8 ¼. D’autres occupations m’empêchent de le faire plus longtemps. Je suis convaincu que quelque obstacle ou misentendu est cause de ce retard.
Tout à vous.
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82. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire!
J’ai à Vous demander pardon, non seulement du retard d’hier, mais aussi de la lettre que je Vous écrivis de chez Gessler1
. Mon âme était dans un état affreux. Vous m’aviez attendu. J’avais tant de choses importantes à Vous dire. Je me suis instruit pendant ces cinq jours. Je Vous présenterai des résultats au tableau dont Vous pourrez faire usage. Tout ce que je crains est d’arriver trop tard. S’il est possible, ô mon Bien-Aimé! suspendez quelque autre travail pour me voir. Mon cœur seul m’a amené à Pétersbourg. Je ne voulais que voir mon Alexandre entier dans ses sentiments, partager sa douleur et verser dans son âme le baume de la tendre amitié. Je sens à présent un devoir plus pressant que tout. Si Vos soirées sont prises, faites-moi venir le matin, avant le jour. C’est la plus belle heure de la journée pour méditer sur le sort de Votre Empire et de l’Europe.Mon Bien-Aimé! Mon amour pour Vous fait de moi un Caméléon. Je puis tout devenir pour Vous servir. Mourir pour Vous serait pour moi le bonheur suprême.
83. Alexandre IER
à G. F. Parrot[
Je suis prêt à Vous recevoir demain après-dîner, à 6 h. et ½.
Tout à vous.
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84. G. F. Parrot à Alexandre IER
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J’ai beaucoup rêvé à mon Bien-Aimé cette nuit, comme toujours quand j’ai eu le bonheur de le voir. Quand est-ce que je ne pense pas à Vous? Vous m’avez beaucoup plu hier, c’est à dire à ma tête (le cœur comme
). Vous êtes comme je désire que Vous soyez. Mais ce n’est pas ce que je voulais Vous dire. D’abord j’ai oublié hier de Vous prier d’ignorer que je Vous ai présenté le projet d’article pour la gazette. Le Prince Adam1 ne doit pas le savoir. Puis mes petits intérêts. Je Vous ai prié de me procurer l’honneur de voir l’Impératrice. Le soir n’est peut-être pas son heure. Veuillez Lui demander celle qui Lui conviendra le mieux. Ne Vous étonnez pas de ce désir que j’ai de La voir. Tout ce qui Vous touche de près m’intéresse tant! Et puis ce reste d’esprit de chevalerie qui me possédait à 18 ans. En vérité, je ne sais ce que je Lui dirai en l’abordant. Si l’esprit ne me vient pas à l’instant je ferai ma sotte figure, comme la première fois lorsque Vous Lui présentâtes 2.J’aime mon Alexandre. S’il m’aimait la moitié autant, le quart, je serais heureux. – Je suis heureux.
Annexe
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Le résultat de la bataille d’Austerlitz est si clair par les suites qu’il a eues qu’on ne conçoit pas pourquoi la France a jugé à propos de donner des rapports outrés et infidèles de cette bataille. L’Europe et surtout la nation russe attendent avec raison notre relation. L’amour de la vérité, le désir de n’annoncer que des faits bien avérés l’a retardé jusqu’ici. En attendant il est peut-être nécessaire d’instruire le public sur plusieurs faits erronés des bulletins français surtout dans le 30e
.Le général Savary n’a parlé qu’à deux personnes de la suite de l’Empereur, et vu plusieurs adjudants des différents corps qui apportaient des rapports de leurs chefs ou leur portaient des ordres. On ne laisse pas parler au général ennemi à tant de personnes. Le langage du Prince Dolgorouky a pu déplaire au chef de la nation française2
. Mais ce grand capitaine semble avoir oublié un moment que la nation russe n’est pas du nombre de celles qui se sont rangées sous sa protection.Le bulletin évalue l’armée des Alliés à 105 000 hommes, c.à.d. 80 000 Russes et 25 000 Autrichiens, l’armée française à un nombre de beaucoup moindre. Pourquoi ce nombre n’est-il pas allégué? L’armée française, outre le corps de réserve, était composée de 4 grandes divisions de 20 000 hommes d’infanterie et 3000 hommes de cavalerie, chacune d’elle commandée par un maréchal et deux généraux de division. L’armée combinée était composée de 52 000 Russes et à peu près 17 000 Autrichiens.