Vous serez mon Héros dans un sens plus étendu que jamais. – Cette perspective heureuse augmente la masse de bonheur que Vous avez accumulée sur moi. O! que ne puis-je Vous exprimer le sentiment qui agite mon cœur en cet instant! Je crois Vous aimer davantage. Je me transporte en idée auprès de Vous dans ce moment délicieux où Vous avez appris Votre bonheur. Je sens Votre joie, Votre jouissance, je lis dans Votre cœur; j’entends le vœu sacré que Vous avez renouvelé à la Vertu de ne vivre que pour elle et par elle. Je soulève le voile de l’avenir. Je suis présent au moment plus délicieux encore où pour la première fois Vous presserez dans Vos bras ce rejeton précieux que Vous offrirez à Vos peuples comme le garant de leur félicité future, où Vous présenterez à la divinité ce que Vous avez de plus cher, en lui renouvelant l’offrande de Votre propre cœur.
L’idée que je Vous écris m’arrête. Puis-je confier au papier tout ce que je sens, tout ce que je pense? Vous me connaissez. Vous connaissez le vœu secret que Vous m’avez inspiré dès les premiers temps de notre connaissance. Vous me comprenez sûrement, ô mon Ami!
Dans la supposition que ce sera un fils dont Vous serez père Vous avez sûrement déjà songé au plan d’éducation que Vous suivrez. Vous avez tant de motifs d’y songer. Permettez-moi de Vous communiquer quelques idées énoncées brièvement mais mûries et éprouvées par l’expérience. Peut-être nous rencontrerons-nous sur la même route?
L’âge de la première enfance appartient à la Mère. Les besoins physiques de l’enfant, le besoin non moins pressant de la mère de prodiguer ses soins et sa tendresse, indiquent clairement la voie de la nature, qui réserve aux mères le mérite de la première éducation et à nous celui de sentir ce mérite et de nous attacher de plus en plus à celle qui met toutes ses jouissances dans le bonheur commun de la famille. En remettant ainsi la première éducation aux soins de Votre Épouse Vous désirerez peut-être qu’Elle s’acquière elle-même une instruction recherchée, qu’Elle puise dans les livres les règles qu’Elle doit suivre. Il n’existe qu’un livre pour les mères. C’est Emile3
. Tout le reste n’est que fatras, mauvais commentaire de cet ouvrage immortel. L’Impératrice l’aura sûrement lu, peut-être plus d’une fois. Mais qu’Elle le lise . À présent qu’Elle sent son enfant sous son cœur, Elle trouvera Emile nouveau, plus intéressant, plus lumineux que jamais. Ce n’est qu’à présent qu’Elle le comprendra parfaitement. Son cœur fera mille commentaires auxquels elle n’a jamais songé.Vos droits et Vos devoirs commencent au second période de l’éducation, au sortir de la première enfance. Ce période date du moment où l’enfant sent les premières relations sociales, où il s’aperçoit qu’on obéit quand il commande. Il commence de bonne heure pour les fils des Rois. Épiez ce moment. Dès lors Votre devoir de Père serait de veiller au développement des facultés de Votre fils, de soigner toute son éducation. Mais Vous êtes Monarque et Vous ne pouvez pas sacrifier le bonheur présent de Votre nation à son bonheur futur. Il Vous faudra donc un second père à Votre fils. Ce choix Vous mettra en peine, et quoique Jean-Jacques se soit épuisé à prouver l’impossibilité de ce choix, c’est cependant à lui que je Vous adresse pour ce choix. Plus il accumule les difficultés, plus il instruit.