Pour exécuter cet échange il faudra préalablement faire battre à tous les hôtels des monnaies le plus de monnaies nouvelles qu’il sera possible et établir dans toutes les villes quelque petites qu’elles soient des bureaux d’échange où l’on fera transporter la nouvelle monnaie et d’où la vieille sera transportée aux hôtels des monnaies. Ce double transport se fera aux frais de la Couronne, mais à un prix fixé par Elle moindre que le prix courant mais suffisant pour couvrir les frais que les voituriers par terre et par eau auront à ce transport. Les voituriers et bateliers de tout l’Empire seront pour cet effet mis en réquisition chacun en proportion de ses forces. Comme cette partie de la nation a fait dans ces derniers temps des profits énormes il est juste qu’elle contribue sans profit et sans perte à cette opération de l’État.
Dans la supposition que tout le numéraire en cuivre à présent en circulation se monte à 100 Millions de Roubles (il est presque impossible de l’estimer au juste) sa valeur sous le nouveau titre sera de 218 ¾ Millions, et comme la Couronne donnera 20 p. C. d’agio à l’échange, elle paiera 120 Millions en nouvelle monnaie et aura par conséquent un profit de 98 ¾ Millions. Mais il faut en déduire les frais de transport. Les 100 Millions de vieille monnaie feront un poids d’environ 5 ½ Millions de Pouds et on peut admettre que le transport de chaque Poud revienne à un prix moyen de 1 Rbl. Par conséquent le double transport de cette masse de cuivre reviendra à 11 Millions de Roubles, qui déduits des 98 ¾ Millions laisseront un produit net de 87 ¾ Millions.
Cette opération loin de nuire au cours des assignats lui sera favorable. D’un côté il est généralement connu que le cuivre en circulation ne peut plus servir d’hypothèque à la quantité d’assignats existante. La preuve en est dans la difficulté de change, difficulté qui dans quelques provinces va jusqu’à l’impossibilité. D’un autre côté, la Couronne se trouvant en possession de 87 millions de Roubles en cuivre monnayé de plus qu’auparavant et dont le transport est de moitié plus facile, Elle rétablira les anciennes banques, où l’on pourra journellement convertir les papiers en cuivre, d’autant plus facilement que, le cuivre monnayé ne disparaissant plus, sa quantité augmentera d’année en année et servira enfin d’hypothèque réelle proportionnée aux assignats en circulation.
On objectera peut-être contre tout ce projet que le peuple, surtout dans les provinces de l’intérieur, en murmurera. Mais si cette objection était fondée il s’en suivrait que jamais aucune réforme ne pourrait avoir lieu dans les monnaies, que le cuivre pourrait atteindre une valeur commerciale décuple de sa valeur numéraire sans qu’on osât changer son titre, et que par conséquent la nation devrait finir par n’avoir plus de monnaie. Le gouvernement doit, il est vrai, être assez sage pour ne pas abuser de la possibilité de pareilles opérations; mais il doit en même temps être assez vigoureux pour les faire et les soutenir quand elles sont nécessaires. Et pour le cas présent il ne s’agit pas même de vigueur. Il suffit d’éclairer la nation sur ses vrais intérêts. Les idées sur lesquelles roule le système des monnaies ne sont pas si abstraites qu’il ne soit possible de rendre populaires celles qui tiennent à la réforme en question. Il ne faudra par conséquent que publier ces idées par les voies ordinaires et extraordinaires que le gouvernement a en main.
Enfin il serait à désirer que les nouvelles monnaies portassent l’image du Souverain; le peuple y attache du prix avec raison; il se plaît à voir souvent l’image d’un Monarque qu’il adore, d’autant plus qu’il a si rarement le bonheur de le voir en personne.
146. G. F. Parrot à Alexandre IER
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