Читаем L’écume des jours полностью

– Je dîne ce soir avec Chick…

– Je vais rentrer chez moi me préparer pour demain… Il fit un grand pas pour éviter une raie du bord du trottoir qui paraissait dangereuse.

– Si je peux faire vingt pas sans marcher dessus, dit Colin, je n’aurai pas de bouton sur le nez demain…

– Ça ne fait rien, dit-il, en écrasant de tout son poids la neuvième raie, c’est idiot, ces trucs-là. Je n’aurai pas de bouton quand même.

Il se baissa pour cueillir une orchidée bleue et rose que le gel avait fait sortir de terre.

Elle sentait le parfum des cheveux d’Alise.

– Je verrai Alise demain… C’était une pensée à éviter. Alise appartenait à Chick de plein droit.

– Je trouverai certainement une fille demain… Mais ses pensées s’attardaient sur Alise.

– Est-ce qu’ils parlent vraiment de Jean-Sol Partre lorsqu’ils sont tout seuls!…

Il valait peut-être mieux aussi ne pas penser à ce qu’ils faisaient lorsqu’ils étaient tout seuls.

– Combien Jean-Sol Partre a-t-il écrit d’articles depuis un an?

De toute façon, il ne lui restait pas le temps de les compter jusque chez lui.

– Qu’est-ce que Nicolas va faire pour ce soir?…

A bien y réfléchir, la ressemblance d’Alise et de Nicolas ne présentait rien d’extraordinaire, puisqu’ils étaient de la même famille. Mais ça ramenait en douce au sujet défendu.

– Qu’est, dis-je, ce que Nicolas va faire pour ce soir?

– Je ne sais pas ce que Nicolas, qui ressemble à Alise, va faire pour ce soir…

Nicolas a onze ans de plus qu’Alise. Ça lui fait vingt-neuf ans. Il est très doué pour la cuisine. Il va faire du fricandeau. Colin approchait de sa demeure.

– Les boutiques des fleuristes n’ont jamais de rideaux de fer. Personne ne cherche à voler les fleurs.

Cela se comprenait assez. Il cueillit une orchidée orange et grise dont la corolle délicate fléchissait. Elle brillait de couleurs diaprées.

– Elle a la couleur de la souris à moustaches noires… Je suis arrivé chez moi.

Colin monta l’escalier de pierre habillée de laine. Il introduisit dans la serrure de la porte de glace argentée une petite clé d’or.

– A moi, mes fidèles serviteurs!… Car me voici de retour!…

Il lança son imperméable sur une chaise et s’en fut rejoindre Nicolas.

VI

– Faites-vous, Nicolas, du fricandeau ce soir? demanda colin.

– Mon Dieu, dit Nicolas, Monsieur ne m’avait pas prévenu. J’avais d’autres projets.

– Pourquoi, peste diable bouffre, dit Colin, me parlez-vous toujours perpétuellement à la troisième personne?

– Si Monsieur veut m’autoriser à lui en donner la raison, je trouve qu’une certaine familiarité n’est admissible que lorsque l’on a gardé les barrières ensemble, et ce n’est point le cas.

– Vous êtes hautain, Nicolas, dit Colin.

– J’ai l’orgueil de ma position, Monsieur, dit Nicolas, et vous ne sauriez m’en faire grief.

– Bien sûr, dit Colin. Mais j’aimerais vous voir moins distant.

– Je porte à Monsieur une sincère, quoique dissimulée, affection, dit Nicolas.

– J’en suis fier et heureux, Nicolas, et je vous le rends bien. Ainsi, que faites-vous ce soir?

– Je resterai, une fois de plus, dans la tradition de Gouffé en élaborant, cette fois, un andouillon des îles au porto musqué.

– Et ceci s’exécute? dit Colin.

– De la façon suivante: «Prenez un andouillon que vous écorcherez, malgré ses cris. Gardez soigneusement la p eau. Lardez l’andouillon de pattes de homards émincées et revenues à toute bride dans du beurre assez chaud. Faites tomber sur glace dans une cocotte légère. Poussez le feu, et,sur l’espace ainsi gagné, disposez avec goût des rondelles de ris mitonné. Lorsque l’andouillon émet un son grave, retirez prestement du feu et nappez de porto de qualité. Touillez avec spatule de platine. Graissez un moule et rangez-le pour qu’il ne rouille pas. Au moment de servir, faites un coulis avec un sachet de lithinés et un quart de lait frais. Garnissez avec les ris, servez et allez-vous-en.

– Je reste sec, dit Colin. Gouffé fut un grand homme, Dites-moi, Nicolas, aurai-je, sur le nez, demain, un bouton?

Nicolas examina le piton de Colin et conclut par la négative.

– Et, pendant que j’y suis, savez-vous comment on danse le biglemoi?

– J’en suis resté au déboîté style Boissière et à la tramontane, créée le semestre dernier à Neuilly, dit Nicolas, et je ne possède pas à fond le biglemoi, dont je ne connais que les rudiments.

– Croyez-vous, demanda Colin, que l’on puisse acquérir en une séance la technique nécessaire?

– Il me paraît que oui, dit Nicolas. Pour l’essentiel, ce n’est point compliqué. Il convient seulement d’éviter les erreurs grossières et les fautes de goût. L’une d’elles consisterait à danser le biglemoi sur un rythme de boogie-woogie.

– Ce serait une erreur?

– Ce serait une faute de goût. Nicolas reposa sur la table le grape-fruit qu’il avait plumé durant cet entretien, et se passa les mains à l’eau fraîche.

– Vous êtes pressé? demanda Colin.

– Mon Dieu, non, Monsieur, dit Nicolas, ma cuisine est en train.

– Alors, vous m’obligeriez en m’enseignant ces rudiments de biglemoi, dit Colin. Venez dans le living-room, je vais mettre un disque.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Раковый корпус
Раковый корпус

В третьем томе 30-томного Собрания сочинений печатается повесть «Раковый корпус». Сосланный «навечно» в казахский аул после отбытия 8-летнего заключения, больной раком Солженицын получает разрешение пройти курс лечения в онкологическом диспансере Ташкента. Там, летом 1954 года, и задумана повесть. Замысел лежал без движения почти 10 лет. Начав писать в 1963 году, автор вплотную работал над повестью с осени 1965 до осени 1967 года. Попытки «Нового мира» Твардовского напечатать «Раковый корпус» были твердо пресечены властями, но текст распространился в Самиздате и в 1968 году был опубликован по-русски за границей. Переведен практически на все европейские языки и на ряд азиатских. На родине впервые напечатан в 1990.В основе повести – личный опыт и наблюдения автора. Больные «ракового корпуса» – люди со всех концов огромной страны, изо всех социальных слоев. Читатель становится свидетелем борения с болезнью, попыток осмысления жизни и смерти; с волнением следит за робкой сменой общественной обстановки после смерти Сталина, когда страна будто начала обретать сознание после страшной болезни. В героях повести, населяющих одну больничную палату, воплощены боль и надежды России.

Александр Исаевич Солженицын

Проза / Классическая проза / Классическая проза ХX века