« Il y avait un chant elfique qui en parlait ; du moins, c’est ainsi que je le comprends. Il fut une époque où on l’entendait d’un bout à l’autre du Grand Fleuve. Ça n’a jamais été un chant d’Ent, remarquez : ç’eût été un très long chant en langue entique ! Mais nous le connaissons par cœur, et nous le fredonnons de temps à autre. Voici comment on le traduit dans votre langue :
L’ENT.
L’ENT-FEMME.
L’ENT.
L’ENT-FEMME.
L’ENT.
L’ENT-FEMME.
ENSEMBLE.
Barbebois acheva sa chanson. « Et voilà, dit-il. Très elfique, comme vous voyez : enjoué, court de mots, et vite terminé. Cela me semble assez joli. Même si les Ents en auraient encore long à dire pour leur part, s’ils avaient le temps ! Mais à présent, je vais me lever et dormir un peu. Où vous tiendrez-vous debout ? »
« Nous avons l’habitude de dormir couchés, dit Merry. Nous serons très bien où nous sommes. »
« Dormir couché ! dit Barbebois. Bien sûr, bien sûr ! Hm, houm ! j’oubliais : cette chanson m’a ramené au bon vieux temps ; j’avais presque l’impression de parler à de jeunes Entiges, imaginez. Eh bien, vous pouvez vous étendre sur le lit. Je vais me tenir sous la pluie. Bonne nuit ! »
Merry et Pippin montèrent sur le lit et se pelotonnèrent dans l’herbe et les fougères moelleuses. La couche était fraîche, odorante et chaude. Les lumières s’éteignirent, et la lueur des arbres passa ; mais dehors, ils pouvaient voir le vieux Barbebois planté sous l’arche, immobile, les bras levés au-dessus de la tête. Les brillantes étoiles perçaient le ciel et faisaient miroiter l’eau qui ruisselait sur ses doigts et sur sa tête, et qui dégouttait, dégouttait comme des milliers de perles d’argent à ses pieds. Prêtant l’oreille au tintement de l’eau, les hobbits s’endormirent.
À leur réveil, ils virent qu’un frais soleil inondait la grande cour et le plancher de l’alcôve. Des lambeaux de nuages flottaient en hauteur, poussés par un fort vent d’est. Barbebois ne se voyait nulle part ; mais tandis que Merry et Pippin se baignaient dans le bassin près de l’arche, ils l’entendirent fredonner et chanter en remontant l’allée bordée d’arbres.