Au bout d’un moment, les hobbits l’entendirent se remettre à murmurer. Il semblait compter sur ses doigts. « Fangorn, Finglas, Fladrif, oui, oui, soupira-t-il. Le hic, c’est que nous sommes désormais si peu nombreux, dit-il en se tournant vers les hobbits. Des premiers Ents qui arpentaient les bois avant l’Obscurité, il ne reste plus que trois représentants : moi-même, Fangorn, puis Finglas et Fladrif – pour vous donner leurs noms elfiques ; vous pouvez les appeler Bouclefeuille et Vivécorce, si vous préférez. Et de nous trois, Bouclefeuille et Vivécorce ne serviraient pas à grand-chose, pour ce qui nous occupe. Bouclefeuille est devenu somnolent, quasi arbresque, pourrait-on dire : il a pris l’habitude de rester debout tout seul, à moitié endormi pendant tout l’été, laissant les hautes herbes des prés lui chatouiller les genoux. Il est d’ailleurs couvert d’une abondante chevelure de feuilles. Il avait coutume de se réveiller pendant l’hiver ; mais ces dernières années, il est resté trop somnolent pour aller bien loin, même en cette saison. Vivécorce habitait sur les versants montagneux à l’ouest d’Isengard. C’est là que les pires ennuis sont survenus. Il a été blessé par les Orques, et bon nombre des siens et de ses bergers d’arbres ont été massacrés et détruits. Il s’est réfugié sur les hauteurs, parmi les bouleaux qu’il affectionne par-dessus tout, et il refuse de descendre. N’empêche, je pense bien pouvoir rassembler un nombre convenable de nos jeunes gens… si j’arrive à leur en faire voir la nécessité ; si j’arrive à les réveiller : nous ne sommes pas des gens hâtifs. Quel dommage que nous soyons si peu nombreux ! »
« Comment cela se fait-il, alors que vous vivez dans ce pays depuis si longtemps ? demanda Pippin. Est-ce qu’il y a eu des décès massifs ? »
« Oh, non ! dit Barbebois. Aucun arbre n’est mort de l’intérieur, comme vous dites. Certains sont tombés sous le coup de la mauvaise fortune au fil des années, cela va de soi ; et plus encore sont devenus arbresques. Mais nous n’avons jamais été très nombreux, et notre nombre n’a pas augmenté. Il n’y a pas eu d’Entiges – d’enfants, diriez-vous, depuis un si grand nombre d’années. Terrible. C’est que, voyez-vous, nous avons perdu les Ents-Femmes. »
« Comme c’est triste ! dit Pippin. Comment se fait-il qu’elles soient toutes mortes ? »
« Elles ne sont pas
« Eh bien, je crains qu’ils ne soient pas parvenus à l’ouest des Montagnes jusqu’au Comté, dit Merry. Voulez-vous nous en dire plus, ou bien nous chanter l’un de ces chants ? »
« Oui, certainement, dit Barbebois, heureux de cette demande, eût-on dit. Mais je ne peux pas vous le raconter comme il conviendrait, seulement en bref ; puis ce sera la fin de notre conversation : demain, nous avons des conseils à tenir, du travail à faire, et peut-être un voyage à entreprendre. »