Le bon Ibrahim fut sensible à cette confession. Après, une longue pause, pendant laquelle le tapissier d'Antioche hésitait encore à dire « oui » ou « non », Paul a conclu :
Mon besoin est si grand que j'insiste auprès de vous, au nom de Dieu.
Entre - a dit le commerçant, vaincu par cet argument.
Bien que malade, l'émissaire du Christ s'attela à la tâche avec empressement. Un vieux métier à tisser a été installé précipitamment près d'un panneau plein de couteaux, de marteaux et de pièces en cuir.
Paul se mit à travailler avec un regard amical et une bonne parole pour chacun des compagnons. Loin de s'imposer par les connaissances supérieures dont il disposait, il observait le système de travail des assistants d'Ibrahim et suggérait de nouvelles méthodes adaptées au service, avec bonté sans affectation.
Ému par ses déclarations sincères, le propriétaire de la maison fit envoyer un repas à Barnabe tandis que l'ex-rabbin triomphait gaillardement de ses premières difficultés, ressentant la joie d'une grande victoire..
Cette nuit-là, auprès de son compagnon de luttes, il a élevé à Jésus une prière pénétrée des plus grands remerciements. Tous deux commentèrent leur nouvelle situation. Tout allait bien, mais il fallait penser à l'argent nécessaire pour payer le loyer de la chambre.
Édifié par l'exemple de son ami, maintenant c'était Barnabe qui cherchait à le consoler:
- Peu importe, Jésus tiendra compte de notre bonne volonté, il ne nous laissera pas à l'abandon.
Le lendemain quand Paul revint de l'atelier, c'est un peu angoissé qu'il dut attendre son compagnon. Le coursier d'Ibrahim, qui avait apporté le repas de Barnabe, ne l'avait pas trouvé. Après un moment d'inquiétude, l'ex-rabbin lui a ouvert la porte et il eut une indicible surprise. Le disciple de Pierre semblait extrêmement abattu, mais une profonde joie débordait de son regard. Il lui expliqua que lui aussi avait trouvé un travail rémunérateur. Il serait employé chez un potier qui avait besoin d'ouvriers car il devait profiter du beau temps. Ils se sont étreints émus. S'ils avaient réussi à dominer le monde par les faits du hasard, ils n'auraient pas ressenti une plus grande joie. Mais un simple travail honnête suffisait à leur cœur illuminé par Jésus-Christ.
À leur premier samedi à Antioche, les hérauts de l'Évangile se sont dirigés vers la synagogue locale. Ibrahim, très satisfait de la coopération de son nouvel employé, lui avait donné deux vieilles tuniques que Paul et Barnabe ont enfilées avec joie.
Toute la population qui « craignait Dieu » s'était rassemblée dans l'enceinte. Paul et Barnabe se sont assis dans un coin réservé aux visiteurs ou aux étrangers. Une fois l'étude terminée et les commentaires de la Loi et des prophètes prononcés, le directeur des services religieux leur a demandé, à voix haute, s'ils désireraient dire quelques mots aux personnes présentes.
Immédiatement, Paul s'est levé et a accepté l'invitation. Il s'est dirigé vers la modeste tribune dans une attitude noble et se mit à parler de la Loi, pris d'une éloquence sublime. L'auditoire, qui n'était pas habitué à des raisonnements aussi élevés, suivait son discours fluide comme s'il s'agissait d'un prophète authentique qui semait des merveilles. Les Israélites ne dissimulaient pas leur contentement. Qui était cet homme dont le Temple de Jérusalem lui- même pouvait s'enorgueillir ? À un moment donné, néanmoins, les paroles de l'orateur devinrent presque incompréhensibles pour tous. Son verbe sublime annonçait un Messie qui était déjà venu au monde. Quelques juifs ont tendu l'oreille. Il s'agissait du Christ Jésus et par son intermédiaire les créatures devaient attendre la grâce et la vérité du salut. L'ex-docteur remarqua que de nombreuses physionomies se montrèrent contrariées, mais la majorité l'écoutait avec une Indéfinissable vibration de sympathie. Le rapport des faits concernant Jésus, son exemple divin, sa mort sur la croix, arrachaient des larmes à l'auditoire. Même le chef de la synagogue était profondément surpris...
Une fois sa longue oraison terminée, le nouveau missionnaire fut étreint par un grand nombre d'assistants. Ibrahim, qui venait de le connaître sous un nouvel aspect, le complimenta rayonnant.
Fortement impressionné, Eustache, le potier qui avait donné du travail à Barnabe, s'est approché pour les saluer. Cependant, les mécontents n'ont pas manqué. Le succès
de Paul avait contrarié l'esprit pharisien de l'assemblée.