Sanhédrin qui bien sûr le liquiderait ; mais il n'en serait pas de même s'il vérifiait la noblesse et l'intelligence du prisonnier car, avec son sens aigu de la politique, il ne désirait pas acquérir un ennemi capable de lui nuire à tout moment. Ayant reconnu les hautes facultés intellectuelles et morales de l'apôtre, il changea complètement d'attitude. Dès lors, il se mit à considérer avec plus de sévérité l'interlocuteur en arrivant à la conclusion que ce serait un crime d'agir avec partialité le concernant. Outre la culture que l'accusé exhibait, il s'agissait d'un citoyen romain par des titres légitimement acquis. Formulant de nouvelles conjectures et à l'immense surprise des représentants du Sanhédrin, Portius Festus a demandé au prisonnier s'il acceptait de retourner à Jérusalem afin d'y être jugé, devant lui-même, par le tribunal religieux de sa race. Paul de Tarse, comprenant l'embuscade des Israélites, a répondu tranquillement, remplissant l'assemblée d'étonnements :
Seigneur gouverneur, je suis devant le Tribunal de César afin d'être définitivement juger. Voilà plus de deux ans que j'attends la décision d'une procédure que je ne peux comprendre. Comme vous le savez, je n'ai offensé personne. Mon emprisonnement ne tient qu'aux intrigues religieuses de Jérusalem. Je défie, dans ce cas, l'opinion des plus exigeants. Si j'ai pratiqué quelque acte indigne, je demande, moi même, la sentence de mort. Convoqué à un nouveau jugement, j'ai cru que vous auriez le courage nécessaire pour rompre avec les aspirations inférieures du Sanhédrin en rendant justice à votre magnanimité d'administrateur consciencieux et droit. Je continue à avoir confiance en votre autorité, en votre impartialité, exemptée de faveur que personne ne pourra exiger de vos charges honorables et délicates. Examinez consciencieusement les accusations qui me retiennent en prison à Césarée ! Vous vérifierez qu'aucun pouvoir provincial ne pourra me livrer à la tyrannie de Jérusalem ! Bien que croyant sincèrement en vos délibérations sages et justes, face à de telles circonstances, j'invoque mes titres et j'en appelle, dès à présent, à César !...
L'attitude inattendue de l'apôtre des gentils provoqua l'étonnement général. Portius Festus, très pâle, était plongé dans de sérieuses cogitations. De sa chaise déjuge, il avait généreusement enseigné le chemin de la vie à beaucoup d'accusés et de malfaiteurs, mais en cette heure inoubliable de son existence, il se trouvait face à un accusé qui parlait à son cœur. La réponse de Paul était tout un programme de justice et d'ordre. Avec une immense difficulté, il demanda le retour au calme dans l'enceinte. Les représentants du judaïsme discutaient entre eux avec véhémence, quelques chrétiens empressés commentaient défavorablement l'attitude de l'apôtre, l'appréciant superficiellement comme s'il s'agissait d'un refus de témoigner. Le gouverneur réunit rapidement le petit conseil des rabbins les plus influents. Les docteurs de la Loi Antique insistèrent pour que des mesures plus énergiques fussent adoptées, supposant que Paul changerait d'attitude avec quelques coups de bastonnades. Mais sans mépriser l'occasion qui lui était offerte d'une plus prestigieuse leçon dans sa vie publique, le gouverneur ferma ses oreilles aux intrigues de Jérusalem, affirmant que d'aucune manière il ne pouvait transiger dans l'accomplissement du devoir en cet instant significatif de sa vie. Embarrassé, il s'est excusé devant les vieux hommes politiques du Sanhédrin et du Temple qui le fixaient avec des yeux de rancœur et prononça ces célèbres paroles.
Tu as fait appel à César ? Tu iras à César !
À cette ancienne formule, les travaux du nouveau procès furent clos. Les représentants du Sanhédrin se retirèrent extrêmement irrités, l'un d'eux s'exclama à voix haute au prisonnier qui reçut l'insulte sereinement :
Seuls les déserteurs maudits font appel à César. Tourne-toi vers les gentils, indigne imposteur !...
L'apôtre l'a fixé avec bienveillance tandis qu'il se préparait à retourner en prison.