En rentrant à Moscou, Madame, j'ai trouvé chez la P-sse Dolg.[orouky] un paquet de votre part. C'était des gazettes de France et la tragédie de Dumas — tout était nouvelles pour moi, malheureux pestiféré de Нижний. Quelle année! quels événements! La nouvelle de l'insurrection de Pologne m'a tout à fait bouleversé. Nos vieux ennemis seront donc exterminés et c'est ainsi que rien de ce qu'a fait Alexandre ne pourra subsister, car rien n'est basé sur les véritables intérêts de la Russie, et ne pose que sur des considérations de vanité personnelles, d'effet théâtral etc… Connaissez-vous le mot sanglant du Maréchal votre Père? A son entrée à Vilna, les Polonais vinrent se jetter à ses pieds. Встаньте, leur dit-il, помните, что вы русские. — Nous ne pouvons que plaindre les Polonais. Nous sommes trop puissants pour les haïr, la guerre qui va s'ouvrir sera une guerre d'extermination — ou du moins devrait l'être. L'amour de la patrie, tel qu'il peut exister dans une âme polonaise, a toujours été un sentiment funèbre. Voyez leur poète Mickevicz. — Tout cela m'attriste beaucoup. La Russie a besoin de repos. Je viens de la parcourir. La sublime visite de l'Empereur a ranimé Moscou, mais il n'a pu être à la fois dans tous les 16 gouvernements empestés. Le peuple est abattu et irrité. L'année 1830 est une triste année pour nous. Espérons — c'est toujours bien fait d'espérer.
Mon père vient de m'envoyer une lettre que vous m'avez adressée à la campagne. Vous devez être aussi assurée de ma reconnaissance, que je le suis de l'intérêt que vous daignez prendre à mon sort. Je ne vous en parlerai donc pas, Madame. Quant à la nouvelle de ma rupture, elle est fausse et n'est fondée que sur ma longue retraite et mon silence habituel avec mes amis. Ce qui m'intéresse pour le moment, c'est ce qui se passe en Europe. Les élections de la France sont, ditesvous, dans un bon esprit. Qu'appelez-vous un bon esprit? Je tremble qu'ils ne mettent en tout cela la pétulance de la victoire, et que Louis-Philippe ne soit par trop roi-soliveau. La nouvelle loi des élections mettra au banc des députés une génération jeune, violente, peu effrayée des excès de la révolution républicaine qu'elle n'a connue que par les mémoires et qu'elle n'a pas traversée. Je ne lis pas encore les journaux, car je n'ai pas encore eu le temps de me reconnaître. Quant aux journaux Russes je vous avoue que la suppression de la Gazette littéraire m'a fort étonné. Sans doute l'éditeur a eu tort d'inserrer le billet de bonbon de C.[asimir] la Vigne — mais ce journal est si inoffensif, si ennuyeux dans sa gravité qu'il n'est lu que des littérateurs et qu'il est tout à fait étranger même aux allusions de la politique. J'en suis fâché pour Delvig, homme tranquille, père de famille, tout à fait estimable et auquel cependant la sottise ou l'inadvertance d'un moment peuvent nuire auprès du gouvernement et cela dans un moment où il sollicitait pour sa mère,veuve du Général Delvig, une pension de Sa Majesté.
Veuillez, Madame, me mettre aux pieds des Comtesses vos filles, dont la bienveillance m'est plus que précieuse, et souffrez que je reste aux vôtres.
Я третьего дня и позабыл попросить тебя побывать у князя Юсупова и от меня поразведать его о Ф.[он] Визине. Вижу по письмам, что они были знакомы. Не вспомнит ли к.[нязь] каких-нибудь анекдотов о нем, острых слов его? Нет ли писем его? Поразведай его также о Зинов[ь]еве, бывшем министре нашем [470]
в Мадрите, и Мусине-Пушкине, нашем после в Лондоне: они были общие приятели Ф.[он] Визину. Узнай, кто говорил: chez nous mieux [471]. Скажи князю, что я сам не адресуюсь к нему, чтобы не обеспокоить письмом. На словах легче переспросить и отвечать. Пожалуйста съезди и пришли мне протокол твоего следственного заседания.Прости.
Нет ли у князя на памяти чего-нибудь о Стакельберге, бывшем в Варшаве, о Маркове? Всё это из Ф.[он]-Визинской шайки.