Nous sommes ici depuis le 19 et nous repartons demain. Varsovie m’a agr'eablement surpris. C’est presqu’une grande ville et fort anim'ee en ce moment `a cause de la foire. J’ai retrouv'e ici une foule d’impressions qui avaient dormi depuis des ann'ees et que le premier pas que j’ai fait dans les rues de Varsovie a 'eveill'ees comme en sursaut. Car cette ville apr`es tout et en d'epit de tout a un air de famille avec Moscou, tr`es frappant pour celui qui vient de l’Occident.
En outre des impressions, j’ai retrouv'e aussi plusieurs personnes de connaissance, entre autres les parents de Jean Gagarine*
et, comme de raison, in'evitableSais-tu bien que dans l’aspiration de mes souvenirs ta ch`ere figure est la seule que je ne parvienne jamais `a ressaisir?..
Je suis certainement l’homme le plus mal organis'e pour l’absence, car l’absence pour moi est comme un N'eant qui aurait conscience de lui-m^eme.
Ce 24. Nous passerons encore ici la journ'ee d’aujourd’hui. C’est une petite chance que je me m'enage pour avoir ta lettre. Mais garde-toi, si tu allais me d'esappointer. Je serai capable de m’en aller d’ici sans te dire adieu.
Hier, la veille de la St-Jean, il y a eu ici une esp`ece de f^ete populaire qui se c'el`ebre tous les ans `a pareil jour. Toute la population de la ville s’est port'ee sur les bords de la Visla. Une foule immense couvrait le pont. Ce jour-l`a les jeunes filles ont la coutume de jeter dans le fleuve des couronnes de fleurs, et de la mani`ere, dont ces couronnes descendent le courant, elles tirent toute sorte de pr'esages pour l’avenir. Voil`a certes un d'etail tr`es po'etique, mais par malheur le d'etail, si m^eme il est r'eel, est si parfaitement enseveli dans la presse, et la foule du monde r'euni ce jour-l`a, qu’il faut en admettre l’existence sur la parade d’autrui. Quant `a la gr^ace que le lieu commun g'en'eralement admis, attribue aux femmes polonaises, c’est diff'erent; cmieux qu’un ou"i-dire. C’est une tr`es agr'eable r'ealit'e. Il y a en effet dans ces femmes une gr^ace toute particuli`ere et une certaine c^alinerie dans leur parler et dans le timbre de leur voix dont l’organe de Mad. Wyszkowska donne assur'ement une id'ee fort incompl`ete.
Les environs de Varsovie ne manquent pas de charme bien que le pays soit plat… Mais je m’apercois que je tombe dans la phras'eologie du touriste de profession… Ainsi donc adieu, ma chatte. J’embrasse tendrement l’heureuse Marie aussi que les autres enfants et j’'ecrirai `a Anna quand Dieu voudra. Mille tendres baisers.
Варшава. 23 июня
Милая моя кисанька, прошло уже целых 24 дня со времени нашей разлуки, а это еще только начало. Тяжело. Я рассчитывал получить от тебя сегодня письмо в ответ на два моих, посланных из Вены, но просчитался. Пока я живу здесь, я получил письмо только от Анны, — с подозрительной записочкой на имя синьора