D’autre part, vivre ici dans l’attente de quelque coup favorable du sort serait aussi absurde que de se mettre à spéculer sérieusement sur les chances d’un gain à la loterie. Je n’ai d’ailleurs ni les moyens, ni surtout l’envie de m’éterniser ici à attendre ce miracle. Je suis donc résigné à ne tirer d’autre profit de mon voyage à Pétersb que d’essayer de régulariser ma démission et puis aussitôt après je demanderai un pport pour l’étranger. Mais le mal est que même pour réaliser ce programme si modeste, je n’ai pas sous la main les intermédiaires dont j’aurais besoin. Les Krüdener sont à Péterhoff, où je compte aller les voir demain ou après-demain. La Gr-Duchesse Marie de L qui y est aussi, n’est pas encore relevée de couches et de plus, dans l’affliction et les larmes par suite de la mort de sa fille aînée*
. Pauvre jeune femme. C’est le jour même de l’enterrement de son enfant, le 10ème après ses couches qu’elle a appris par l’Emp que l’enfant était mort. Je parie, ma chatte, que ta pensée et la mienne se sont rencontrées sur le même sujet, en apprenant cette jeune mort.L’impatience d’écrire commence à me gagner. J’abrège et je finis. Je ne puis ni prétendre
, ni attendre. Et cependant, je le sais, de retour à Munic j’aurais des remords, comme si j’avais manqué la fortune d’un Roi. Et cependant le voyage n’aura pas été stérile, puisqu’il m’aura valu, selon toute probabilité, de 10 à 12 m de rente. Et à ce sujet je ne comprends pas ton raisonnement. Comment peux-tu préférer l’ancien ordre des choses, c’est-à-d rien, au nouvel arrangement. Et comment aurais-je pu éviter la dépendance, où je me trouve fatalement placé vis-à-vis de mon frère, à moins de m’établir à la campagne pour y servir mes affaires moi-même. D’ailleurs puis-je sérieusement le supporter capable de me voler ma part d’un bien qui nous a été donné en commun? Et quel autre arrangement aurais-je pu suggérer?Ici, à Pétersbourg, je me suis retrouvé en plein Munic dans la diplomatie, Colloredo, Colobiano, Cardenos, le spongieux Waechter, Otterstedt*
, etc. etc. Et hier à un grand bal à 7 lieues de la ville et où j’ai été condamné à rester jusqu’à 4 h du matin, grâce au chemin de fer — j’ai retrouvé la jolie Mad. Koutousoff, toujours maigre et jolie, la ci-devant Mlle Poltavtzoff et cette grosse Comtesse Koutaissoff* que tu as si peu goûtée à Gênes et qui maintenant s’est affectueusement enquis de tes nouvelles. Les réminiscences de l’Europe surgissent ici à chaque pas, et cela produit une illusion d’optique qui trompe sur les distances. La même date