Ces provinces ne doivent pas par là être exemptes des charges publiques que la situation présente exige. Qu’on leur donne à entretenir le double de milices russes; qu’on fasse passer dans l’Estonie, la Livonie et la Courlande environ 90 000 russes des milices les plus voisines. Là elles seront exercées à loisir, et serviront à maintenir l’ordre en attendant qu’elles marchent; elles deviendront une vraie armée qui aura déjà fait quelques cent Werstes vers l’ennemi. Ce chemin gagné est un grand avantage.
Pour nourrir ces 90 000 hommes il faut prendre trois mesures que la disette impose. 1) Défendre dès ce moment la fabrication des eaux de vie. Celles qui ont déjà été seront plus que suffisantes pour les besoins de ces 90 000 hommes. Tant mieux si cette denrée renchérit dans ces provinces; le paysan qui boit moins en est plus tranquille, pour l’armée on la prend à un prix fixe. 2) Ouvrir les magasins des paysans pour fournir aux premiers besoins. La famine se fait déjà sentir. 3) Faire venir aux frais de ces provinces, des vivres des autres gouvernements où la récolte a été meilleure.
Fermeté, célerité, succès.
101. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire!
Je voulais aller à la cour, pour le plaisir de voir mon Bien-Aimé; en ai-je un plus grand au monde? Je voulais lire dans Votre regard si Vous êtes décidé sur l’affaire des milices dans nos provinces. – Mais je ne puis; je sens que je ne pourrais pas être si longtemps debout, la matinée étant pour ma santé la plus mauvaise partie de la journée à cause de mes insomnies. Veuillez me dire si Vous avez arrangé cette affaire. C’est trop attendre de Votre complaisance, je le sens; mais faites-le pour Votre reconvalescent qui se porterait sûrement très bien si la chose publique, la chose de son Alexandre, ne lui tenait pas si fort à cœur.
Je Vous salue, mon ami, mon Héros, de toute mon âme.
102. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Je végète ici dans l’incertitude sur l’effet de l’idée que je Vous ai communiquée concernant les milices. Je suis inquiet, sûrement pas par égoïsme, pas parce que c’est moi qui Vous ai proposé cette idée, mais parce que son exécution Vous touche de près. Je Vous aime plus que jamais, mon Alexandre; je suis toujours occupé de Vous. Je passe les journées à prendre des informations, la moitié des nuits à penser à Vous et à Vos alentours, et les rêves de mon sommeil inquiet ne sont que la continuation de ces idées. Je crains que la résistance de Vos alentours ne retarde Votre résolution ou ne Vous engage à prendre des demi-mesures. Tout ce que j’ai appris depuis me confirme dans la persuasion que ce que je Vous ai proposé est la seule mesure vraiment calculée sur le moment présent. Des vues particulières ne peuvent pas m’aveugler. N’est-ce pas pour sauver cette caste qui me hait que je Vous ai parlé, et que je me suis exposé à contredire ouvertement une idée généralement applaudie? Les députés ecclésiastiques des provinces protestantes sont ici, et travaillent à une proclamation dans l’idée qu’on lèvera les milices de ces provinces. N’exposez pas ces hommes respectables, dont la condition est aujourd’hui trop peu respectée, au ridicule d’avoir fait un travail dont on était persuadé d’avance qu’on n’en ferait pas usage, et avant leur départ donnez leur quelque témoignage de Votre satisfaction. On méprise leur vocation, on hait ou craint leur activité; personne ne parle pour eux.
Dites-moi, je Vous supplie, ce que Vous avez fait quant aux milices, un seul mot, pour que j’aie une idée à laquelle je puisse m’arrêter1
. L’incertitude me martyrise dans tout ce qui regarde ou le bien public ou Votre personne chérie. Pourquoi, en sentant un cœur trop aimant, me jeter dans les affaires? Jamais je ne m’accoutumerai à l’idée, malheureusement trop commune, de me consoler du mal par le sentiment d’avoir fait mon possible pour l’éloigner.Votre Parrot
103. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire!