Venant à son secours, l'un de leurs amis présents a interrogé Paul avec vivacité.
Quand prétendez-vous partir ?
Demain - a répondu l'apôtre.
Mais, ne vaudrait-il pas mieux vous reposer quelques jours ? Vous avez les mains gonflées et le visage blessé par les coups de fouet.
L'ex-docteur a souri et lui dit jovialement :
Le service est de Jésus et non le nôtre. Si nous faisons trop attention à nous-mêmes en ce qui concerne les souffrances, nous n'arriverons à rien ; et si nous nous arrêtons aux difficultés, nous resterons à trébucher et non avec le Christ.
Ses arguments originaux et convaincants répandirent une atmosphère de bonne humeur.
Vous retournerez à Antioche ? - a demandé Onesiphore avec bienveillance.
Barnabe a tendu l'oreille pour connaître exactement la réponse, alors que son compagnon leur dit :
Bien sûr que non : Antioche a déjà reçu la Bonne Nouvelle de la rédemption. Mais et la Lycaonie ?
Regardant maintenant l'ex-lévite de Chypre, comme pour solliciter son approbation, il souligna :
Nous irons de l'avant. Tu n'es pas d'accord, Barnabe ? Les peuples de la région ont besoin de l'Évangile. Si nous sommes si satisfaits par les nouvelles du Christ, pourquoi les nier à ceux qui ont besoin du baptême de la vérité et de la nouvelle foi ?...
Son compagnon a fait un signe affirmatif et fut d'accord, résigné :
Sans aucun doute. Nous irons de l'avant ; Jésus nous assistera.
Et ils se sont mis à commenter la position de Lystre ainsi que les coutumes intéressantes de ses gens simples. Onesiphore y avait une sœur qui était veuve et portait le nom de Loïde. Il donnerait une lettre de recommandation aux missionnaires. Ils seraient les hôtes de sa sœur pendant le temps qu'il leur faudrait.
Les deux prêcheurs de l'Évangile se réjouissaient. Surtout Barnabe qui ne retenait pas sa satisfaction voyant la triste idée de se retrouver complètement isolés s'éloigner.
Le lendemain, après d'émouvants adieux, les missionnaires reprenaient la route qui les conduirait vers de nouveaux combats.
Après un laborieux voyage, ils sont arrivés au crépuscule grisâtre dans la petite ville. Ils étaient épuisés.
La sœur d'Onesiphore, néanmoins, fut prodigue de gentillesses. Loïde qui était veuve d'un Grec aisé, vivait en compagnie de sa fille Eunice également veuve, et de son petit-fils Timothée dont l'intelligence et les généreux sentiments étaient le plus grand enchantement de ces deux femmes. Les messagers de la Bonne Nouvelle furent reçus dans ce foyer avec d'évidentes preuves de sympathie. L'indicible affection de cette famille fut un baume réconfortant pour eux deux. Comme à son habitude, à la première occasion Paul s'est rapporté à son désir immense de travailler, pendant le temps de sa permanence à Lystre, de sorte à ne pas se rendre passible de médisance ou de critique, mais la propriétaire de la maison s'y est fermement opposée. Ils étaient ses hôtes. La recommandation d'Onesiphore suffisait pour qu'ils soient tranquilles. De plus, expliqua-t-elle : Lystre était une ville très pauvre, il n'y avait que deux humbles commerces où l'on ne faisait jamais de tapis.
Paul était très sensible à cet aimable accueil. Le soir de leur arrivée, il observa la tendresse avec laquelle Timothée, qui avait à peine plus de treize ans, prenait les parchemins de la Loi de Moïse et les Saintes Écritures des prophètes. L'apôtre laissa les deux dames commenter les révélations en compagnie du garçon, jusqu'à ce qu'il soit amené à intervenir. Quand le moment fut venu, il profita de l'occasion pour faire la première présentation du Christ au cœur transporté de ses auditeurs. Dès qu'il se mit à parler, il observa la profonde impression des deux femmes dont les yeux brillaient de ferveur ; mais le petit Timothée l'écoutait avec tant d'intérêt que plusieurs fois il caressa son front songeur.
Les parents d'Onesiphore reçurent la Bonne Nouvelle avec des joies infinies. Le lendemain, ils ne parlèrent pas d'autre chose. Le jeune garçon posait des questions de toute sorte. L'apôtre lui répondait avec joie et un intérêt fraternel.
Pendant trois jours, les missionnaires se livrèrent au doux repos de leur corps. Paul profita de l'occasion pour parler longuement avec Timothée, près de la grande étable où les chèvres se reposaient.
Ce n'est que le samedi qu'ils cherchèrent à se rapprocher de la population. Lystre était pleine de légendes et de croyances les plus étranges. Les familles judaïques étalent très rares et le peuple simple acceptait comme des vérités tous les symboles mythologiques. La ville n'avait pas de synagogue, mais un petit temple consacré à Jupiter que les paysans acceptaient comme le père absolu des dieux de l'Olympe. Il y avait un culte organisé. Les réunions s'effectuaient périodiquement, les sacrifices étaient nombreux.
Sur une place nue, un petit marché avait lieu dans la matinée.
Paul comprit qu'il ne trouverait pas un meilleur local pour un premier contact direct avec le peuple.