Du haut d'une tribune improvisée de pierres entassées là, il se mit à prêcher d'une voix forte et émouvante. La foule se rassembla immédiatement. Quelques-uns apparaissaient des maisons calmes pour vérifier la raison d'un tel rassemblement. Personne ne se souvint d'acheter de la viande, des fruits, des légumes. Tous voulaient entendre l'étranger inconnu.
L'apôtre parla, premièrement, des prophéties qui avalent annoncé l'arrivée du Nazaréen, puis il se mit à exposer ce que Jésus avait fait parmi les hommes. Il a dépeint le paysage de Galilée avec les couleurs les plus brillantes de son génie descriptif, a parlé de l'humilité et de l'abnégation du Messie. Alors qu'il se rapportait aux guérisons prodigieuses que le Christ avait réalisées, U remarqua qu'un petit groupe d'assistants lui adressait des railleries. Enflammé de ferveur dans son éloquence, Paul se souvint du jour où il vit Etienne guérir une jeune muette, au nom du Seigneur.
Certain que le Maître ne l'abandonnerait pas, il a promené son regard parmi la foule nombreuse. À une distance de quelques mètres, il vit un mendiant misérable qui se traînait laborieusement. Impressionné par le discours évangélique, l'estropié de Lystre s'est approché se traînant par terre et s'asseyant avec difficulté, il a fixé ses yeux dans ceux du prêcheur qui l'observait grandement ému.
Renouvelant les valeurs de sa foi, Paul l'a dévisagé avec énergie et a parlé avec autorité :
- Ami, au nom de Jésus, lève-toi !
Les yeux fixés sur l'apôtre, le misérable s'est levé avec facilité, tandis que la multitude jetait des cris d'effarement. Certains reculèrent atterrés. D'autres se rapprochaient de Paul et de Barnabe, les dévisageant, fascinés et satisfaits. L'infirme se mit à sauter de joie. Connu dans la ville, depuis longtemps, la guérison prodigieuse ne laissait pas le moindre doute.
Nombreux furent ceux qui s'agenouillèrent. D'autres coururent aux quatre coins de Lystre pour annoncer que le peuple avait reçu la visite des dieux. La place se remplit en quelques minutes. Tous voulaient voir le mendiant qui avait retrouvé la liberté de ses mouvements. Le succès s'est répandu rapidement. Barnabe et Paul étaient Jupiter et Mercure descendus de l'Olympe. Les apôtres, jubilaient des dons prodigués par Jésus, mais profondément surpris par l'attitude des lycaoniens, ils comprirent bientôt leur malentendu. Au beau milieu du respect général, Paul est à nouveau monté à la tribune improvisée pour expliquer que lui et son compagnon n'étaient que de simples créatures mortelles et soulignaient la miséricorde du Christ qui avait daigné ratifier la promesse de l'Évangile en cet Instant inoubliable. En vain, néanmoins, il multiplia ses clarifications. Tous écoutaient ses propos agenouillés dans une attitude statique. Ce fut là qu'un vieux prêtre, portant les habits de l'époque, est apparu inopinément conduisant deux bœufs ornés de fleurs, faisant des manières et des gestes solennels. À voix haute, le ministre de Jupiter invita le peuple au cérémonial du sacrifice aux dieux vivants.
Paul perçut le mouvement populaire et descendit immédiatement au milieu de la place où il cria de toute la force de ses poumons en ouvrant sa tunique à la hauteur de sa poitrine :
Ne commettez pas de sacrilèges !... Nous ne sommes pas des dieux... Voyez !... Nous ne sommes que de simples créatures de chair !...
Suivi de près par Barnabe, il ravit des mains du vieux prêtre la délicate tresse en cuir qui retenait les animaux, libérant les deux taureaux pacifiques qui se mirent à dévorer leurs couronnes vertes.
Le ministre de Jupiter voulut protester, puis se tut, très déçu. Et face aux commentaires les plus extravagants, les missionnaires battirent en retraite, soucieux de trouver un lieu de prière où ils pourraient élever à Jésus leurs vœux de joie et de reconnaissance.
Grand triomphe ! - a dit Barnabe presque fier. - Les dons du Christ ont été nombreux, le Seigneur se souvient de nous !...
Paul était pensif et répliqua :
Quand on reçoit beaucoup de faveurs, nous devons penser aux nombreux témoignages. Je pense que nous passerons par de grandes épreuves. D'ailleurs, nous ne devons pas oublier que la victoire de l'entrée du Maître à Jérusalem a précédé les supplices de la croix.
Considérant le sens élevé de ces affirmations, son compagnon se mit à méditer dans un profond silence.
Loïde et sa fille étaient rayonnantes. La guérison de l'infirme conférait aux messagers de la Bonne Nouvelle une situation singulière notoire. Paul profita de l'occasion pour établir le premier noyau du christianisme dans la petite ville. Des mesures initiales furent prises dans la résidence de la généreuse veuve qui mit à la disposition des missionnaires tous les recours à sa portée.