Paul de Tarse, néanmoins, ressentit un grand réconfort à sa présence, mais ce fut surtout l'intelligence et la vivacité de Stéphane lors du court échange qu'ils avaient eu qui lui fournissaient d'énormes espoirs pour l'avenir spirituel de son neveu.
Il repassait encore dans sa tête cette agréable impression quand une grande escorte s'est postée près de sa cellule pour l'accompagner au Sanhédrin le moment venu.
Peu après midi, il comparut à la barre du tribunal et perçut rapidement que le cénacle des grands docteurs de Jérusalem vivait l'un de ses grands jours, plein d'une masse populaire compacte. Sa présence provoquait une foule de commentaires. Tous voulaient voir, connaître le transfuge de la Loi, le docteur qui avait répudié et méprisé les titres sacrés. Excessivement ému, l'apôtre s'est souvenu une fois encore de la figure d'Etienne. Il lui appartenait maintenant de donner également le témoignage de l'Évangile de la vérité et de la rédemption. L'agitation du Sanhédrin lui donnait la même impression des temps vécus à l'époque où précisément, il avait infligé les plus dures humiliations au frère d'Abigail et aux prosélytes de Jésus. Il était donc juste de s'attendre, maintenant, à des souffrances acerbes et réparatrices. Et au comble de l'amertume, il y eut une singulière coïncidence : le sacerdote suprême qui présidait les faits s'appelait Ananie ! Il s'agissait peut-être d'une ironie du sort ?
Tout comme cela se passa avec Jeziel, une fols que l'acte d'accusation fut lu, et conformément aux prérogatives de sa naissance, la parole fut donnée à l'apôtre pour sa défense.
Avec le plus grand respect, Paul commença à se justifier. De nombreux rires étouffés brisaient le silence environnant et révélaient l'ambiance sarcastiquement hostile de l'auditoire.
Quand la grande éloquence de son oratoire commença à impressionner l'auditoire par le caractère fidèle du témoignage chrétien, le sacerdote suprême lui imposa le silence et vociféra emphatique :
- Un fils d'Israël, même porteur de titres romains quand il manque de respect aux traditions de cette maison en tenant des propos injurieux souillant la mémoire des prophètes, se rend passible de sévères châtiments. En déviant dans des concepts sibyllins propres à son obsession déréglée et criminelle pour le charpentier révolutionnaire de Nazareth, l'accusé semble ignorer le devoir de s'expliquer correctement ! Mon autorité ne permet pas que l'on abuse de ce lieu saint. Je décide donc que Paul de Tarse sera blessé à la bouche pour venger ses termes insultants.
L'apôtre lui a adressé un regard d'une indicible sérénité et a répliqué.
Prêtre, surveillez votre cœur pour ne pas tomber dans des mesures répressives injustes. Les hommes, comme vous, sont comme les murs blanchis des tombes, mais vous ne pouvez ignorer que vous serez aussi rattrapés par la justice de Dieu. Je connais trop bien les lois dont vous êtes devenu l'exécuteur. Si vous êtes Ici pour juger, comment et pourquoi ordonnez-vous de châtier ?
Mais avant qu'il n'ait eu le temps de continuer, un petit groupe de préposés d'Ananie s'est avancé avec de petits fouets, le blessant aux lèvres.
Comment oses-tu injurier le sacerdote suprême ? -s'exclamaient-ils fous de colère. - Tu paieras pour tes insultes !...
Des balafres marquaient le visage ridé et vénérable de l'ex-rabbin, sous les applaudissements généraux. Des voix ironiques s'élevaient sans cesse au sein de la foule infâme. Certains réclamaient plus de sévérité, d'autres d'une voix de stentor demandaient la lapidation. La sérénité de l'apôtre était un véritable témoignage et les esprits impulsifs et criminels s'en irritaient d'autant plus. Certains groupes d'Israélites plus vils se faisaient remarquer et, coopérant avec les bourreaux, lui crachaient au visage. Le tumulte était général. Paul essaya de parler, de s'expliquer plus en détail, mais la confusion était telle que l'on entendait rien et plus personne ne se comprenait.
Délibérément, le sacerdote suprême permettait un tel désordre. Les principaux éléments du Sanhédrin désiraient exterminer l'ex-docteur à tout prix. Le tribunal ne s'était prêté à la farce de ce jugement que parce qu'il avait perçu l'intérêt personnel de Claude Lysias pour le prisonnier. Sans cela, Paul de Tarse aurait été assassiné à Jérusalem pour satisfaire les sentiments odieux des ennemis gratuits de sa tâche apostolique bénie. À la demande du tribun présent à la réunion commémorative, Ananie réussit à rétablir le calme ambiant. Après des appels désespérés, l'assemblée devint silencieuse, dans l'attente.
Paul avait le visage en sang, sa tunique était en lambeaux, mais à l'étonnement et à la stupeur générale, il révélait dans son regard, contrairement à une autre époque et dans des circonstances de cette nature, une grande tranquillité fraternelle, laissant percevoir qu'il comprenait et pardonnait les offenses de l'ignorance.
Se supposant dans une position favorable, le sacerdote suprême ajouta sur un ton arrogant :