Tu devrais mourir comme ton Maître sur une croix méprisable ! Déserteur des traditions sacrées de la patrie et blasphémateur criminel, les souffrances que tu commences à éprouver parmi les fils légitimes d'Israël ne suffisent pas pour juste punition !...
L'apôtre, néanmoins, loin d'être effrayé a tranquillement répliqué :
Ce jugement précipité est le vôtre... Je ne mérite pas la croix du Rédempteur car sa couronne est excessivement glorieuse pour moi ; néanmoins, tous les martyres du monde seraient justement appliqués au pécheur que je suis. Vous craignez les souffrances parce que vous ne connaissez pas la vie éternelle, vous considérez les épreuves comme ceux qui ne voient rien au-delà de ces jours éphémères de l'existence humaine. La politique mesquine a éloigné votre esprit des visions sacrées des prophètes !... Les chrétiens le savent, ils connaissent une autre vie spirituelle, leurs espoirs ne reposent pas sur de faux triomphes qui vont pourrir avec le corps dans la tombe ! La vie n'est pas ce que nous voyons dans la banalité de tous les jours terrestres ; c'est avant tout l'affirmation de l'immortalité glorieuse avec Jésus-Christ !
La parole de l'orateur semblait maintenant magnétiser de tout son poids l'assemblée. Ananie lui-même, malgré sa colère sourde se sentait incapable de toute réaction, comme si quelque chose de mystérieux l'obligeait à entendre jusqu'au bout. Imperturbable dans sa sérénité, Paul de Tarse a continué :
Continuez à me blesser ! Crachez-moi à la face ! Battez-moi ! Ce martyrologue exalte en moi un espoir supérieur, car j'ai déjà créé en mon for intérieur un sanctuaire intangible à vos mains et où Jésus régnera pour toujours...
Que désirez-vous - a-t-il continué d'une voix ferme - avec vos émeutes et vos persécutions ? Après tout, quel motif avez-vous à générer tant de luttes stériles et destructrices ? Les chrétiens travaillent, comme Moïse l'a fait pour la croyance en Dieu et en notre glorieuse résurrection. Il est inutile de diviser, de fomenter la discorde, de vouloir cacher la vérité avec les illusions du monde. L'Évangile du Christ est le soleil qui illumine les traditions et les coutumes de la Loi Antique !...
Pendant ce temps cependant, à la stupéfaction de beaucoup, un nouveau vacarme se fit entendre. Les Saducéens se sont lancés contre les Pharisiens avec des gestes et des apostrophes délirantes. En vain, le sacerdote suprême chercha à calmer les esprits. Un groupe plus exalté essayait de s'approcher de l'ex-rabbin, prêt à l'étrangler.
Ce fut là que Claude Lysias, faisant appel aux soldats, se fit entendre dans l'assemblée menaçant les opposants. Surpris par ce fait insolite car les Romains ne voulaient jamais intervenir sur des sujets religieux relatifs à la race, les turbulents Israélites se sont immédiatement inclinés. Le tribun s'est alors adressé à Ananie et demanda la fermeture des travaux déclarant que le prisonnier retournerait en prison à la tour Antonia, jusqu'à ce que les juifs décident de résoudre le cas avec plus de discernement et de sérénité.
Les autorités du Sanhédrin n'ont pas masqué leur grand étonnement, mais comme le gouverneur de la province était en permanence à Césarée, il ne serait pas raisonnable de négliger son préposé à Jérusalem.
Avant que de nouveaux tumultes ne surgissent, Ananie déclara que le jugement de Paul de Tarse, selon l'ordre reçu, continuerait lors de la prochaine session du tribunal qui aurait lieu dans trois jours.
Avec beaucoup de précautions, les gardes emmenèrent le prisonnier, tandis que les Israélites les plus éminents cherchaient à contenir les protestations isolées de ceux qui accusaient Claude Lysias de partial et de sympathisant du nouveau credo.
Une fois reconduit dans sa cellule silencieuse, Paul put respirer et se reprendre pour affronter la situation.