j’ai cherché dans le Coran dès le lendemain, après une soirée à regarder Bassam sombrer dans le mutisme devant un Coca-Cola, alors que nous profitions des terrasses bondées autour du MACBA, dans le bruit extraordinaire des skateurs, cascade de planches frappant le pavé, cliquetis interminable et désordonné — Bassam observait les planchistes à roulettes d’un air incrédule, et c’est vrai que pour un novice leur activité était des plus déroutantes ; ils parcouraient à peine quelques mètres sur la place, essayaient une figure, un bond ou un sautillement qui paraissait dérisoire et se soldait toujours par le même résultat : la planche se retournait, tombait sur le sol, et son propriétaire se retrouvait à pied, le temps de récupérer son engin et de recommencer, comme Hassan le Fou tournait éternellement ; la rumeur de ces dizaines de skates entrechoqués montait du parvis avec une régularité féroce ; les spectateurs assis sur la margelle de marbre profitaient du spectacle continu de ces évolutions sonores, touristes au repos les jambes ballantes, bardés d’appareils photo et de sacs à dos, adolescents vidant des bières, fumant des joints, clochards puceux biberonnant leurs litrons sur des couvertures raidies par la crasse, flics en goguette surveillant tout ce beau monde d’un œil aussi dubitatif que celui de Bassam — au bout d’un moment le bruit finissait par taper sur le système ; continu mais irrégulier, il était impossible de s’y habituer. Bassam lorgnait ce cirque avec un air de mépris ; il ne disait pas grand-chose, se contentant de me faire un signe quand passait un short moulant, une minijupe ou une poitrine particulièrement développée. J’essayais de lui parler, mais les sujets de conversation s’épuisaient les uns après les autres ; il refusait d’évoquer le passé, à part nos années d’enfance à Tanger, quelques anecdotes du collège ou du lycée, comme si nous étions des vieillards.
J’ai été soulagé quand il a voulu aller se coucher.
Le lendemain donc j’ai cherché dans un répertoire informatique les mots prononcés par Nouredine,
J’imaginais un attentat, une explosion, avec ses amis pakistanais de la mosquée, comme il disait ; une vengeance pour la mort de Ben Laden, un coup d’éclat pour déstabiliser encore plus l’Europe au moment où elle semblait vaciller, se fissurer comme un beau vase fragile, des représailles pour les enfants syriens morts, pour les enfants palestiniens morts, pour les enfants morts en général, toute la rhétorique absurde, la spirale de la bêtise, ou tout simplement pour le plaisir de la destruction et des flammes, que sais-je, j’observais Bassam dans sa solitude et son enfermement, ricochant comme une boule de billard dans la rue des Voleurs contre les tristes putains, les drogués, les pouilleux et les barbus de la mosquée, je le revoyais absorbé par le ressentiment devant cette photographie décadente rambla Catalunya,