Quant à l’exécution dont l’Université sera chargée, voyez, Sire, dans quelle mer d’obstacles on nous précipiterait. La Livonie seule contient au moins 600 propriétaires, tandis qu’elle n’a que 105 paroisses. Ainsi le travail est sextuple. Où trouver la quantité suffisante d’inspecteurs? Et quand on les trouverait, les sommes nécessaires pour leur appointements surpasseraient celles qu’il faut pour l’entretien des écoles paroissiales. Mais c’est là la moindre difficulté. L’Université se trouverait aux prises avec chaque propriétaire. La malveillance de la majorité se permettrait tout contre ces inspecteurs qui leur seraient d’autant plus odieux que leur emploi est en quelque sorte dirigé contre la bourse de chaque particulier. Ils seraient bafoués et maltraités à tout instant; ils réclameraient alors la protection de l’Université, et nous serions en guerre perpétuelle non seulement avec le corps entier, mais avec chaque individu. Et si dans le nombre de ces inspecteurs un seul, irrité par les indignités incalculables qu’on lui fera souffrir, s’oublie une seule fois, alors, Sire! des rapports effrayants voleront de Riga à Pétersbourg, l’Université sera responsable de ses employés, son existence même sera attaquée, et toute Votre constance, minée ainsi goutte à goutte s’épuisera enfin, ou Votre santé succombera aux chagrins qui en résulteront. Je l’avoue, Sire! sous ce point de vue l’existence d’un professeur de Dorpat est terrible. Vous savez si je m’effraie aisément des difficultés, mais je Vous avoue loyalement que ni mon courage ni mes forces ne suffiront à celles-là. Tout homme paie enfin son tribut à la faiblesse de la nature humaine, ne fut-ce qu’à celle qui nous vient de notre physique.
Sire! j’ai parlé avec toute la vérité dont je suis capable. Quoiqu’il arrive je ne quitterai point lâchement mon poste qui est malheureusement celui des écoles de campagnes, je lui sacrifierai mon amour pour ma science, la gloire littéraire à laquelle je crois avoir quelques droits. J’y mourrai consumé d’efforts inutiles à l’humanité; je
appartiens —Parrot
Peut-être cette lettre ne fait pas face à toutes les raisons de Mr. de Novossilzoff. Si cela est, mettez-moi aux prises avec lui, en Votre présence; si j’ai tort je serai le premier à lui céder; je ne puis vouloir que le bien public. O mon Alexandre! ne Vous fatiguez pas de ma constance.
57. Alexandre IER
à G. F. Parrot[
Je joins ici le Doclad présenté par le Comité de l’instruction publique, de même que l’opinion de M. de Novossiltzof à laquelle plusieurs membres se sont rangés. Vous verrez que tous communément rejettent le projet de prendre les écoles paroissiales aux frais du Gouvernement. Les raisons citées sont très délicates surtout dans le poste où je me trouve. Vous verrez aussi que l’opinion de Novossiltzof n’est pas précisément ce que Vous m’en dites dans Votre lettre, quelques-unes des raisons qu’il cite sont assez fortes2
.Tout à vous.
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Renvoyez-moi tous ces papiers après les avoir lus, et dites-moi ce que Vous en pensez.
58. G. F. Parrot à Alexandre IER
[
Ange tutélaire de l’humanité!
Vous avez ramené l’espoir dans mon cœur navré. Je Vous en remercie de toute mon âme, au nom des 9/10 de Vos sujets – de Vos frères1
. Nous triomphons.Je reçus hier Votre message à I heure et demi. Je passai l’après-midi jusqu’à XI heures à faire traduire toutes les pièces en ma présence par Roth