J’ai à Vous remercier pour les deux Ukases que Vous avez donnés concernant les recrues et les étudiants bourgeois. Elles sont dignes de Votre cœur, et me prouvent, malgré Votre silence, que Vous ne m’avez pas oublié, que Vous m’aimez toujours2
. – Mon Alexandre! Cette persuasion m’est plus nécessaire que jamais, à présent que ma santé foncièrement délabrée me prouve que le temps de mon activité est bientôt écoulé. J’ai été obligé, il y a un mois, de cesser tout travail; depuis 8 jours j’avais recommencé, mais aujourd’hui je suis de nouveau forcé de borner mon existence aux soins pour mon physique. Je Vous écris avec peine. Mais il faut que je Vous écrire. Outre le besoin de m’entretenir avec le Bien-Aimé en mon cœur je cède à un devoir pressant. Les écoles paroissiales ne sont pas encore établies, et j’ai lieu de craindre qu’àprès moi personne n’y veuille mettre le même zèle, personne n’y puisse travailler aussi efficacement. Votre confiance me donne des moyens dont aucun autre ne peut disposer. Mettez-moi en état d’employer les restes de mon existence à cet ouvrage qui seul peut consolider tout le bien que Vous voulez faire à la classe du cultivateur, et annoncer paisiblement l’époque où on pourra rendre à l’humanité ses droits naturels. Vous devez être persuadé par tant d’expériences journalières que le moment favorable ne vient qu’une fois, que le succès dépend toujours du soin qu’on a pris à saisir l’occasion et à profiter des circonstances. Depuis que Vous avez consenti à ce que le plan des écoles paroissiales soit présenté aux provinces je n’ai cessé d’agir pour écarter les obstacles que cette mesure devait amener. J’y ai réussi au-delà de mes espérances, au moins en Livonie, et comme cette province sert ordinairement d’exemple et d’échelle pour les autres, ce succès partiel est le garant d’un succès général. Une des plus grandes difficultés à lever se trouve dans la résistance des consistoires qui s’opposent à ce que les pasteurs soient, relativement aux écoles des campagnes, subordonnés à l’Université. J’ai prévu depuis longtemps cette résistance, j’ai obtenu, il y déjà 2½ ans, un adoucissement à l’Ukase qui contient les préliminaires de l’instruction publique, où cet objet avait été traité avec une rigueur qui révoltait tous les esprits. Depuis j’ai employé toute l’influence que j’ai sur le consistoire de Livonie à ménager des rapprochements, et je suis de même à cet égard sûr du succès. – Mais il faut absolument profiter du moment. J’irai en tout cas à Pétersbourg vers le nouvel an; mais outre que ces voyages, quand je les fais à mes frais, me ruinent, celui-ci serait infructueux, si je le faisais en simple particulier. Vous Vous souvenez sûrement de la défense que le Directoire a donnée aux Universités d’envoyer des députés sans son ordre3. Ainsi je ne puis aucunement paraître avec un caractère officiel, et par conséquent travailler officiellement, si Vous ne donnez l’ordre au Directoire de me mander pour terminer l’affaire des écoles. Je Vous prie donc instamment de donner cet ordre au plus tôt