Vous avez donné le règlement de censure le plus beau, le plus humain, le plus raisonnable qui ait été jamais donné4
. Vous avez déclaré dans ce règlement que la censure doit non arrêter mais protéger les progrès de la littérature et la vraie liberté des idées, que les passages d’un livre sujets à double sens doivent être interprétés en faveur de l’auteur, que l’on peut écrire et censurer les actes du gouvernement pourvu que cela se fasse avec modestie et dans l’intention du bien public. Les principes qu’on suit dans l’exécution sont diamétralement opposés à Vos principes, à ceux que Vous avez annoncés à la Russie et à l’Europe. Le journal de Heideke à Moscou a été anéanti et l’auteur persécuté5, sous prétexte de quelques fredaines que je désapprouve moi-même mais qu’il suffisait d’interdire, si le vrai but n’eût pas été de faire taire un journal qui découvrait avec véracité, et sur la foi du règlement de censure, des abus énormes d’administration. On défend une gazette estonienne, non seulement innocente, mais utile à tous égards, sur la délation de Pistohlkors connu comme un mauvais sujet, uniquement pour jeter un jour pernicieux sur l’Université de Dorpat; on saisit un petit ouvrage (que Vous examinez à présent) par lequel l’auteur s’acquiert des droits à Votre reconnaissance6 – et dans chacun de ces cas l’Université de Dorpat est maltraitée. Sire! Envisagez la chose sous tous les points de vue possibles, et Vous verrez combien cet esprit de vétilles qui s’est emparé de Vos Ministres, de ceux mêmes qui avaient autrefois les idées les plus libérales, nuit à la solidité et à la gloire de Votre gouvernement. L’Université se trouve toujours entre deux feux, son devoir de suivre le règlement que Vous avez donné, et le mauvais esprit qui règne ici. Si elle suit le règlement on la persécute, si elle ne le suit pas le public lui demande compte d’une sévérité contraire à Vos intentions manifestes, elle trahit ses devoirs, elle hasarde une partie de Votre gloire à l’intérieur et surtout à l’étranger. Vous Vous souviendrez que j’ai prévu que Bonaparte en s’approchant de nos frontières sentait son défaut de moyens, uniquement par le principe que la tyrannie est engendrée par le sentiment de sa propre faiblesse. Ce principe est général, et on taxera Votre gouvernement de faiblesse si Vous permettez qu’on agisse contre l’esprit d’humanité et de loyauté qui caractérise Votre règlement de censure. Sous Catherine IIe il n’y avait point de règlement de censure, mais la censure était douce, et pendant tout son règne on a à peine prohibé autant de livres que sous le Vôtre.Peut-être je m’exprime durement. Mais Vous me connaissez. Je ne puis rien pallier dès qu’il s’agit de Vous lorsque je Vous parle. N’oubliez pas que c’est Vous qui êtes responsable de tout, que, de la manière dont on traite les choses, la responsabilité dont Vous avez chargé les Ministres lors de l’établissement des Ministères, retombe sur Vous seul. Ne Vous fâchez pas de la voix austère de Votre ami, qui ne veut d’autre jouissance que celle de Vous aimer, qui cherche tout son bonheur dans Votre cœur et dans Votre bien-être.
Votre Parrot
Retournez à Vos principes, à Vous-même; employer le levier puissant de la publicité pour amener Votre nation, Vos grands même, où Vous voulez les avoir. Vous sentez Vous-même que les meilleures ordonnances sont insuffisantes. Vous comptez sur l’éducation, sur l’instruction publique et avec raison. La publicité est l’éducation de la nation. Mais si, en anéantissant la publicité, on rend suspects les instituts qui doivent y veiller, si on les moleste dans leurs fonctions, que pouvez-Vous espérer de ces moyens? Dorpat s’est jusqu’à présent préservé de la corruption qui doit en résulter. Nous sommes encore attachés à nos devoirs, mais si on continue à agir contre nous, je pourrai Vous fixer à quelques mois près l’époque de notre corruption. Nulle part on n’a vu 28 héros rassemblés. Nous lèverons nos vœux à être libres, c.à.d. à agir dans Vos principes. Le reste nous est étranger, et c’est le sens dans lequel je voudrais que Vous nous traitassiez. Point de distinctions extérieures, mais que personne ne puisse nous empêcher impunément de faire notre devoir.
Que ne pourrais-je pas Vous dire encore sur cet article important de la publicité? Vous savez qu’on a pour maxime de n’instruire la nation de rien. Même la Gazette de Pétersbourg est dans un état pitoyable7
. Storch a fait plusieurs propositions pour la rédiger d’une manière plus digne de Votre règne; mais il ne peut pas percer.