Je tiens ces détails de témoins oculaires. Mais ils n’ont pas le courage de me fournir les preuves de peur de devenir eux-mêmes et sans fruit la proie des hommes puissants qui décident à la fin par leur place et leur crédit. La corruption est si profonde que l’honnête homme désespère de voir jamais la justice sur le trône d’un monarque qui est si juste personnellement. – Vous avez pris des mesures pour punir les coupables. Mais Vous ne réussirez pas. Vous avez oublié le point le plus important,
. Ne Vous effarouchez pas à ces mots. Votre Parrot ne Vous conseille pas une injustice. Souvenez-Vous de ce que Vous m’avez dit Vous-même lorsque je Vous parlai un jour sur le point de la sévérité: «J’ai voulu être sévère; j’ai appris indirectement bien des choses qui exigeaient des punitions. Mais personne ne veut être accusateur et quand je livre les coupables aux tribunaux ils en sortent blancs comme la neige». – Pourquoi cela? Croyez-Vous que la simple vénalité des juges puisse opérer des effets si constants? Non; la vraie raison est que lorsqu’un petit brigand est pris sur le fait, un grand brigand paraît à découvert, et tout craint les grands brigands. – Pour les punir il faut recourir à d’autres moyens, parce que les moyens ordinaires sont dans leurs mains, non dans les Vôtres. Le fait est clair que Votre armée a manqué de tout. Il est tout aussi clair qu’il est de loi dans l’Empire russe que les chefs sont personnellement responsables du mal qui se fait dans leur administration. Ils sont au moins coupables de négligence ou d’ineptie, et quand il s’agit du salut de l’Empire le pouvoir du Monarque doit frapper la négligence et l’ineptie comme la fraude. Et quelle injustice y a-t-il à mettre les grands coupables hors de la loi? Ils s’y sont mis eux-mêmes pendant tout le temps de leur administration. Suivre la marche lente, les sentiers tortueux et sombres de l’examen en détail c’est attaquer une batterie formidable avec des fusils à vent.On assure que Vous avez donné le commandement général à Buxhöwden, et qu’il est chef des tribunaux qui doivent examiner la malversation des employés dans les vivres. J’ai été sur le point de taxer de mensonge celui qui me l’a dit; mais je me suis ressouvenu que Vous l’avez rappelé au service, et je n’ai pas eu le courage de contredire.
Je plains Benningsen. Je Vous plains, Vous et l’Empire de sa perte3
. Je sais qu’il a commis de grandes fautes. Mais il est cependant le vainqueur de Pultusk et d’Eylau, mais sous les circonstances où il se trouvait une troisième victoire était impossible; mais il Vous était attaché, par son propre intérêt. Vous l’avez traité avec sévérité et Buxhöwden s’élève sur ses débris. Si jamais la condescendance était à sa place c’était dans ce cas-ci. Après la bataille de Friedland la paix était nécessaire; mais il fallait faire Benningsen feldmaréchal et lui donner Ostermann Tolstoi pour aide. Si Vous l’aviez conservé et soutenu, le parti contraire eût appelé cela de l’entêtement; mais Rome au faîte de sa plus belle période en agissait ainsi; mais le parti contraire n’a pas un seul homme à Vous offrir. – Que je Vous dise tout ce que je pense. Je voudrais que le public Vous taxât d’entêtement. Vous seriez craint, et Vous devez l’être.