Adieu, mon Alexandre! – Je voudrais bien Vous dire autre chose; mais Votre silence si affligeant pour moi me l’interdit.
Votre Parrot
149. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Sire!
Le Comte Sawadofsky Vous remettra le premier volume de mes Principes de Physique. C’est le premier ouvrage de longue haleine que j’écris depuis que je suis à Dorpat, et je n’ai pu résister au désir de Vous le dédier2
. Acceptez-le du même cœur que je Vous l’offre; j’ai fait mon possible pour qu’il ne soit pas indigne de Vous être présenté. En vain j’ai voulu dans la dédicace imiter le style froid qui caractérise ces sortes d’épitres; je n’ai pu y réussir et j’espère que le sentiment qui perce à travers l’étiquette ne Vous déplaira pas. J’éprouve même une satisfaction particulière à ce que cette dédicace telle qu’elle est paraisse presque en même temps que l’édit sur les finances3. – O oui! je voudrais écrire un livre sur Alexandre Ier qui apprit à l’Europe à lever le voile que des circonstances désastreuses jettent sur ses vertus. – Je Vous plains d’avoir des financiers qui ne savent ni mieux faire ni mieux motiver ce qu’ils font. Ne croyez pas au reste que je m’imagine que le Gouvernement ait pu éviter de nouveaux impôts; mais il fallait les répartir tout autrement.Je Vous fais de la peine peut-être;
Votre Parrot.
150. G. F. Parrot à Alexandre IER
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Je viens de lire, Sire, l’Ukase du 3 Juin qui annonce un emprunt1
et j’apprends qu’on s’occupe de nouveaux projets de finances. Dieu veuille que ces projets soient mieux calculés que l’emprunt. Quels financiers Vous avez!Le Rouble argent blanc est à 3 Rbl. 30 cop. papier et Vous Vous engagez à rembourser à 2 Rbl. Vous voulez en outre payer les intérêts en argent, c.à.d. à 3 R. 30 cop., supposé que les assignations ne baissent pas. Ainsi le particulier qui Vous donne 1000 Rbl. recevra après 7 ans ses 1000 Rbl. avec un agio de 1 Rbl. 30 cop. sur 2 Rbl. prêtés ou de 65 p. C. de son capital. Les intérêts payés de même monteront à 10 p. C. – Quel État, Sire! a jamais ouvert un pareil emprunt? Et si Votre papier tombe encore, s’il baisse jusqu’à 4 Rbl., les prêteurs auront alors 100 p. C. de leur capital en sus, et 12 1/8 de rentes pendant les 7 ans. – Je ne conçois pas de pareils calculs. Arrêtez, je Vous en conjure, cet emprunt affreux qui Vous appauvrira de 100 millions (sans compter les intérêts) s’il se remplit et donne à l’étranger une idée sinistre de l’état de Vos finances. Cet emprunt en outre fera baisser le cours du papier. – L’idée de brûler des assignations ne donnera pas de crédit; cas ces 100 millions brûlés ne sont peut-être pas 1/8 de la somme qui circule. Et croira-t-on qu’on les brûlera en effet, le public étant instruit par un emprunt si onéreux de la détresse des finances?
Sire! Il y a deux cas possibles: Ou l’emprunt se réalisera parce que l’on compte sur Votre bonne foi et alors Vous aurez emprunté 100 millions pour en rendre 200 avec intérêts usuriers. Ou il ne se remplira qu’en partie et alors Vous perdez 100 p. C. de cette partie et ce qui bien pire l’Europe apprendra que Vous n’avez pu réaliser un emprunt, malheur qui n’est pas encore arrivé, que je sache, à la plus petite puissance.