Oui - a éclairci le commerçant, convaincu -, un homme de son niveau intellectuel serait préparé à tout comprendre, mais et les autres ? Vous n'ignorez pas, naturellement, la persécution implacable entreprise par les autorités du Sanhédrin et du Temple contre les sympathisants du célèbre charpentier nazaréen. Palmyre a eu des nouvelles concernant ces faits par l'intermédiaire d'innombrables pauvres patriciens qui ont rapidement quitté Jérusalem, menacés de prison et de mort. Et c'est justement à cause de la personnalité de cet homme que Gamaliel a donné les premiers signes de faiblesse mentale. S'il était là- bas, qu'adviendrait-il de lui dans sa vieillesse désorientée ? Naturellement de nombreux amis, comme vous, auraient été prêts à prendre sa défense, mais le cas aurait pu atteindre des proportions plus graves, des ennemis politiques réclamant des mesures ingrates auraient pu surgir. Et de notre côté, nous n'aurions rien pu faire pour rétablir la situation, parce qu'en vérité, sa folie est pacifique, presque imperceptible et en aucune manière nous ne pourrions supporter son apologie au scélérat que le Sanhédrin envoya sur la croix des voleurs.
Saûl ressentait un profond malaise en entendant ces commentaires, maintenant si injustes et si superficiels à son goût. Il comprenait la délicatesse du moment et la nature des ressources psychologiques à déployer pour ne pas s'engager et aggraver encore davantage la position de son illustre maître.
Désirant changer le ' cours de la conversation, il demanda avec sérénité :
Et les médecins ? Quel est leur avis ?
Au dernier examen auquel il s'est soumis, par insistance de notre part, ils ont découvert que notre cher malade, en plus d'être dérangé, souffre d'une asthénie organique singulière qui épuise petit à petit ses dernières forces vitales.
Saûl fit encore quelques commentaires, attristé, et après avoir reconsidéré ses premières impressions à l'égard de l'aimable hospitalité d'Ézéquiel, assisté par un jeune employé de la maison, il s'est dirigé vers l'endroit où son ancien mentor le reçut avec surprise et avec joie.
L'ex-disciple a remarqué que Gamaliel présentait effectivement les symptômes d'un grand abattement. Ce fut avec une joie infinie qu'il le serra affectueusement dans ses bras, baisant avec effusion ses mains rêches et tremblantes. Ses cheveux semblaient plus blancs ; sa peau, sillonnée de vénérables rides, était d'une indicible pâleur comme celle de l'albâtre.
Ils ont longuement parlé de leurs souvenirs, des succès de Jérusalem, des amis lointains. Après ces préambules amicaux, le jeune tarsien a raconté à son maître les grâces recueillies aux portes de Damas avec vénération.
Saûl, mon fils - dit-il exultant -, je savais bien que je ne me trompais pas concernant le Sauveur qui avait si profondément parlé à ma vieillesse épuisée à travers la lumière spirituelle de son Évangile de rédemption. Jésus a daigné tendre ses mains aimantes à ton Esprit dévoué.
La vision de Damas suffit pour que tu consacres ton existence entière à l'amour du Messie. Il est vrai que tu as beaucoup travaillé pour la Loi de Moïse sans hésiter dans l'adoption de mesures extrêmes pour sa défense. Néanmoins, le moment est venu de travailler pour celui qui est plus grand que Moïse.