Concernant les difficultés que tu dis ressentir après les exploits de Damas - continua Gamaliel calmement -, rien n'est plus juste et plus naturel à mes yeux aguerris aux tourments du monde. Nos grands-pères, avant de recevoir la manne du ciel, ont traversé des temps pénétrés de misère, d'esclavage et de souffrance. Sans les angoisses du désert, Moïse n'aurait jamais trouvé dans la roche stérile la source d'eau vive. Et peut-être n'as-tu pas non plus médité plus longuement sur les révélations de la Terre promise. Quelle est donc cette région si, gardant à l'esprit la plus large compréhension de Dieu, nous découvrons de toute part en ce monde les bienfaits de sa protection ? Il y a des dattiers garnis et abondants qui poussent sur le sable ardent. Ces arbres généreux ne transforment-ils pas le désert lui-même en des chemins bénis, pleins du pain divin pour tuer notre faim ? Dans mes réflexions solitaires, j'en suis arrivé à la conclusion que la terre promise par les divines révélations est l'Évangile du Christ Jésus. Et la méditation nous suggère des comparaisons plus profondes. Quand nos aïeuls les plus courageux œuvraient à la conquête des régions privilégiées, nombreux étaient ceux qui essayaient de décourager les plus obstinés, leur assurant que la terre était inhospitalière, que l'air y était malsain et porteur de fièvres mortelles, que les habitants étaient intraitables et dévoraient la chair humaine. Mais Josué et Caleb, dans un effort héroïque, ont pénétré la terre méconnue, ils ont triomphé des premiers obstacles et ils en sont revenus en disant que dans cette région coulaient le lait et le miel. N'avons-nous pas là un symbole parfait? La révélation divine doit se rapporter à une région bénie, dont le climat spirituel est fait de paix et de lumière. Nous adapter à l'Évangile c'est découvrir un autre pays, dont la grandeur se perd dans l'infini de l'âme. À nos côtés restent ceux qui font tout pour nous décourager dans notre entreprise de conquête. Ils accusent la leçon du Christ de criminelle et de révolutionnaire, voient dans son exemple des intentions de désorganisation et de mort ; ils qualifient un apôtre comme Simon Pierre de pécheur présomptueux et d'ignorant. Mais en pensant à cette admirable sérénité avec laquelle Etienne a livré son âme à Dieu, j'ai vu en lui la figure d'un compagnon courageux et digne qui revenait des leçons du « Chemin » pour nous affirmer que sur la Terre de l'Évangile, il y a des sources riches du lait de la sagesse et du miel de l'amour divin. Il faut donc marcher sans repos et sans compter les obstacles du voyage. Cherchez la demeure infinie qui séduit notre cœur.
Gamaliel marqua une pause à ses propos amicaux et hautement réconfortants. Saûl était admiratif. Ces comparaisons si simples, ces déductions précieuses de l'étude de l'Ancienne
Tu dis être déconcerté - continua le vénérable ami tandis que le jeune homme le fixait avec un intérêt croissant - face au changement de profession et au manque d'argent pour répondre aux besoins les plus immédiats... Néanmoins, Saûl, il suffit de méditer un peu à la réalité des faits pour y voir plus clairement. Un vieil homme, comme moi, se trouve dans la situation de Moïse contemplant la terre promise sans pouvoir l'atteindre. Mais toi, il faut reconnaître que tu es encore très jeune. Tu peux multiplier tes énergies en exerçant tes forces et pénétrer le terrain des aspirations du Sauveur. Pour cela, il faut te simplifier la vie, recommencer la lutte. Josué n'aurait pu vaincre les obstacles du chemin rien qu'à la lecture des textes sacrés ou grâce aux faveurs de ceux qui l'estimaient. Tranquillement, il a manipulé de rudes outils, il a aplani des routes là où il y avait des abîmes et cela au prix d'efforts surhumains.
Et que me conseillez-vous en ce sens ? - a interrogé le jeune homme avec une profonde attention tandis que le vieux maître faisait une longue pause.