J'arrive au bout de ma carrière, maintenant je dois attendre la mort du corps. Si je dois abandonner le cadeau de Pierre à des personnes qui ne peuvent reconnaître la valeur que nous lui attribuons, il est juste de le livrer à un ami fidèle qui mesure son caractère sacré. De plus, j'ai la conviction que je ne pourrai plus retourner à Jérusalem ; en ce monde, je n'aurai plus l'occasion de parler aux apôtres galiléens de la lumière que le Sauveur a versé dans mon âme. Et Je crains que les adeptes de Jésus ne puissent tout de suite te comprendre quand tu retourneras à la ville sainte. Tu auras, alors, ce souvenir pour te présenter à Pierre en mon nom.
Ce ton prophétique impressionna le jeune homme tarsien qui baissa la tête, les yeux humides.
Après un long intervalle, comme s'il cherchait à reprendre ses idées pleines de sagesse,
Gamaliel continua avec sollicitude :
Je te vois, à l'avenir, voué à Jésus avec le même zèle empressé avec lequel je t'ai connu consacré à Moïse ! Si le Maître t'a appelé au service, c'est parce qu'il confie en ta compréhension de serviteur fidèle. Quand l'effort de tes mains t'aura donné la liberté de choisir le nouveau chemin à suivre, Dieu bénira ton cœur pour diffuser la lumière de l'Évangile parmi les hommes jusqu'au dernier jour de ta vie, ici sur terre. Dans ce labeur, mon fils, si tu te heurtes à l'incompréhension et aux combats à Jérusalem, ne te désespère pas, n'abandonne pas. Tu as semé là-bas une certaine confusion dans les esprits, il est juste que tu récoltes ce que tu as semé. Dans toute tâche, néanmoins, souviens-toi du Christ et va de l'avant en déployant tes sincères efforts. Que les méfiances, la calomnie et la mauvaise foi ne te gênent pas, attentif au fait que Jésus a vaincu courageusement tout cela !...
Saûl ressentait une profonde sérénité à cette exhortation aimante, tendre et loyale. À l'entendre, il est resté là, pendant un long moment, entre les larmes brûlantes qui témoignaient son repentir du passé et les espoirs de l'avenir.
En cet après-midi, Gamaliel quitta sa modeste hutte et se rendit avec l'ex-disciple chez son frère qui dès lors accueillit le jeune tarsien sous son toit avec une indicible satisfaction.
L'intelligence fulgurante et la jeunesse communicative de l'ex-docteur de la Loi avaient conquis Ézéquiel et les siens dans une belle expression d'amitié spontanée.
Dans la soirée, une fois qu'ils eurent pris le dernier repas du jour, le vieux rabbin de Jérusalem a exposé au commerçant la situation de son protégé. Il lui a expliqué que Saûl était devenu son disciple alors qu'il n'était encore qu'un garçon, et exalta ses valeurs personnelles. Puis il conclut en lui parlant de ses besoins économiques vraiment critiques. Et devant l'intéressé lui-même, qui marquait son admiration pour le vieillard sage et généreux, il expliqua qu'il prétendait travailler comme tisserand dans les tentes du désert, et supplia Ézéquiel de soutenir par sa bonté de si nobles aspirations au travail et d'effort personnel.
Le commerçant de Palmyre était admiratif.
Mais pas du tout, - a-t-il dit attentionné - le jeune homme n'aura pas besoin de s'isoler pour gagner sa vie.
Je peux l'employer ici même, en ville, où il restera en contact permanent avec nous.
Néanmoins, je préférerais recevoir votre généreux soutien dans le désert - a souligné Saûl sur un ton expressif.
Pourquoi ? - a demandé Ézéquiel avec intérêt -je ne comprends pas les jeunes comme toi exilés dans des étendues de sable interminables. Les émigrants de Jérusalem en exode qui étaient célibataires n'ont pas supporté les conditions offertes dans les oasis lointaines. Seuls quelques couples ont accepté ces conditions et sont partis. Quant à toi, avec tes dons intellectuels, comment peux-tu préférer être un humble tisserand, éloigné de tous ?...
Gamaliel se dit que l'étrangeté de son frère pourrait l'amener à des hypothèses erronées concernant son jeune ami, et, avant que quelque soupçon injustifié ne se dessine dans son esprit curieux de nature, il dit avec prudence :