Me voici de nouveau devant Vous, mon Bien-Aimé! C’est où je me trouve le mieux, où je me trouve parfaitement heureux. Je veux Vous parler des principes de la censure. Vous me parûtes Vendredi soir encore peu persuadé de ce que je Vous avais écrit sur cet objet important. Je veux Vous persuader. Je Vous l’avoue tout simplement; je ne puis supporter l’idée qu’on puisse reprocher à Votre règne le défaut de constance dans les principes reconnus pour vrais. Ces principes que le règlement contient, ceux que je professe aujourd’hui sont ceux que je professais il y a 5 ans dans le mémoire que Vous demandâtes à l’Université sur l’ouvrage de Mr. Zimmermann concernant l’établissement des Universités en Russie; ce sont en partie ces principes qui m’ont obtenu les premiers rayons de Votre Bienveillance, qui ont posé les premiers fondements de la confiance que Vous m’accordez, qui m’ont frayé le chemin jusqu’à Votre cœur. Je n’ai pas changé ; je suis le même aujourd’hui qu’alors. Vous n’avez pas changé non plus. La noblesse de Votre cœur, la libéralité de Vos idées sont les mêmes. D’où vient donc que les effets sont si différents pour cet objet, peut-être pour cet objet seul? Tâchez de Vous résoudre à Vous-même cette question. Recherchez-en avec soin la cause. Vous ferez pour Vous-même une découverte importante: Vous trouverez par là comment il est possible de s’écarter de la bonne route sans le vouloir, et Vous verrez combien de ramifications fertiles au mal sortent de cette souche. En pliant sur les principes de la censure Vous pliez sur tout le système de l’instruction publique et des lumières nationales, Vous Vous relâchez sur l’éducation que Vous voulez donner à Votre peuple, sur cette éducation que Vous regardez avec raison comme le seul moyen de le relever. L’instruction de la jeunesse n’est pas la seule partie de l’éducation nationale. La lecture, qui agit immédiatement et avec avantage sur l’esprit des hommes faits, en est une partie essentielle, sans laquelle l’autre ne peut agir avec vigueur et succès. C’est sous ce point de vue que j’envisage, et que Vous avez sûrement Vous-même envisagé, la réunion que Vous avez faite de la censure à l’instruction publique.