3) Les sujets qui doivent y recevoir leur instruction étant en même temps écoliers et étudiants ne seront bien ni l’un ni l’autre. Les écoliers perdront l’esprit de leur état, voudront être traités en étudiants et ne se soumettront pas à la discipline des gymnases. Les étudiants n’auront ni la maturité de l’âge ni les connaissances nécessaires à leur état, et ne pourront faire les progrès nécessaires.
4) Cette espèce d’instituts est un produit monstrueux du système philantropique qui a ruiné l’éducation en Allemagne, en ne produisant que des têtes légères qui avec une teinture de tout croyent tout savoir. Les étudiants qui nous viennent de Mitau nous en sont la preuve. L’Allemagne s’est repenti trop tard pour son existence politique de ce système et l’a déjà rejeté. En Russie, où cette superficialité est un défaut principal de l’esprit public, de pareils instituts seraient encore bien plus nuisibles. La vraie tendance de l’esprit de l’éducation publique en Russie doit être surtout de terrasser à la fin cette superficialité qui fait que l’État dans le besoin se trouve si pauvre en sujets vraiment capables.
5) Un institut académique comme on veut en avoir un à Mitau, dont les étudiants auront les mêmes droits que ceux des universités, enlèvera aux universités tous les Courlandais, puisque les études y seront plus superficielles, par conséquent plus aisées, de moins de durée, et mèneront cependant à tous les emplois. Ainsi l’Université de Dorpat perdra une des 4 provinces que Vous lui avez assignées.
6) La noblesse d’Estonie a à Reval un institut tout semblable qu’elle a fondé et qu’elle entretient totalement à ses frais. Elle a bien plus de droits à faire une demande pareille que celle de Courlande, et dès que les Courlandais auront réussi, elle ne manquera pas de la faire, se trouvant également choquée que leur gymnase soit sous la direction de l’Université. Vous n’aurez aucune raison valable de refuser à la noblesse de Reval ce que Vous avez accordé à celle de Courlande et l’Université de Dorpat perdra la seconde de ses provinces. Celle de Livonie pourra faire les mêmes prétentions, 6000 Ecus annuels, que les Courlandais offrent, ne lui paraîtront pas trop pour rentrer dans ses anciennes prétentions de régir l’instruction publique, et Dorpat devra être transféré à Wiburg pour avoir une trentaine d’étudiants. C’est ainsi qu’en Vous séduisant à des concessions pareilles on veut Vous amener à ruiner Vous-même l’Université de Dorpat que Vous avez établie avec tout de soin et qui ne se fait d’ennuis que parce qu’elle entre vraiment dans Vos vues en établissant un système d’instruction solide opposé à la frivolité régnante.
7) Malgré tous les prérogatives qu’on doit accorder à cet institut de Mitau, il doit cependant être soumis à Université!!! Pensez-Vous que des professeurs qui n’auront qu’un grade de moins que ceux des universités, qui obtiendront bientôt par ses incitations ce petit avantage, qui seront d’autant plus arrogants que leur mérite sera au-dessous de leur titre, à qui on veut confier même la direction des autres écoles de la province se soumettront de fait à l’Université? Ce sera une semence de guerre éternelle.
8) Il y a 4 ans Vous avez donné un rescript formel, motivé par le Directoire lui-même, qui porte que le Gymnase de Mitau doit rester gymnase. Il semble qu’il existe un projet de Vous engager à donner des ordres contradictoires. Je m’abstiens de réflexions ultérieures à cet égard.
9) On dit qu’on a déjà fait un établissement de ce genre, celui de Dimidov2
. Mais si on a déjà été une fois infidèle aux principes doit-on l’être toujours? D’ailleurs la reconnaissance pour le fondateur excuse en quelque sorte une inconséquence. Mais quelle reconnaissance doit-on à Mitau? Cet institut a été fondé par le Duc Pierre, entretenu des revenus de ses domaines qui sont à présent Vos domaines. C’est donc Vous qui avez le mérite de cet entretien, et ce sera donc par reconnaissance pour Vous-même qu’on veut Vous engager à miner, à détruire Votre grand ouvrage de l’instruction publique – cet ouvrage, sur lequel la postérité jugera de Vos vues et de Votre fermeté à les soutenir3.Les écoles paroissiales de Wilna sont décrétées. Le Directoire ne fait point d’objections pour celles-là. Celles de Dorpat sont présentées depuis trois ans à Votre sanction, et ne l’ont pas encore obtenues! Sire! Où tout cela mènera-t-il? Les polonais de Vos provinces sentent eux-mêmes qu’il faut faire quelque chose pour le paysan depuis que Bonaparte a décrété la liberté de leurs voisins4
. Nous sommes aussi les voisins des polonais. Schlötzer, ce fameux publiciste allemand, m’a fait demander où en sont nos écoles paroissiales. Il ne conçoit pas qu’elles ne soient pas encore établies, et professe publiquement les mêmes principes que je Vous détaille depuis 3 ans.